Ingrid GANTNER - L'Oeil de la forêt - 2009 |
Pour que croisse
l'obscur,
pour que soit
juste l'obscur,
pour que, un à
un, des arbres
et des
ramifications et des feuillaisons d'obscur,
il vienne plus
d'obscur -
pour qu'en nous
tout vienne mettre bas dans l'ombre
de sorte que
donner et avoir, arbre le plus sombre,
se rendent à
d'uniques racines – surgis
sombre dans la morsure – entre les arbres – surgis
menace nocturne,
fumée menaçante:
du
non-arborescent par trop grande luxuriance,
viens, pentes
déjà montées sur les pentes, l'obscur,
viens,
frondaisons tombées, montées sur les frondaisons,
l'obscur,
suce-nous autant
qu'il se peut dans le bien obscur, dans l'obscure cession
pour te refaire
dans le jeu, instant après instant,
de feuillage
obscur en obscure filiation
Crois à
l'impourvue, toi: l'obscur, les obscurs,
et qu'il n'y ait
rien d'autre que la bouche
accidentée
pire, meilleure, qu'une envie de consubstantialité,
envie de
salvation – bouche à bouche – d'obscur
Que la langue
essaie, agresse, s'englue en obscur
nous et nous en
langues-obscur
Pour que croisse
et s'avère sans s'élancer
mais en
s'apaisant dans son accomplissement, l'obscur,
Chaque non des
arbres non des sentiers,
non du tubercule
contorté, non des phalanges,
non des courbes,
des glissades agiles d'herbes,
Pour qu'il
croisse et se retrouve et puisse se distraire en espaces,
en tortures, en
paix, en armes tendues à l'obscur -
main tendue à
l'obscur, main à la belle obscure,
doigt de la main
jamais las
de
s'enchaî-chaîner, de se mouiller, d'être séants
à l'obscur -
Langues toujours
au surcroît, au très doux excès
d'obscur,
agglutinées, deux qui bout de deux -
clameur, arbres,
autour de l'obscur,
clameur de plus
en plus haute jusqu'à se dédire en obscur,
jusqu'à la
pacifique, la greffe criée, dans le toi, dans le moi, dans
l'obscur
Greffe et retours
de faveur, creuset d'obscur,
oh, toi, greffé
d'obscur en obscur, toi,
prolongée,
retranchée de feuille en feuille/obscur,
louée de
fougère en fougère, dans le brut, dans le raffiné
d'obscur
Mais tu vois et
ne peut voir combien il est ici d'obscur,
langue tu as bu
et bien d'avantage et des sentiers et des mousses intruses,
cependant, tu
t'assures, tu apprêtes, tu désaperçois,
tu te stratifies,
légère, bénie, en l'obscur
Non-mémoire,
millénaires et milles, entassés dans le fornix
sont un doigt de
l'obscur, ôte-le de la bouche, fais-le noeud de phalange,
ruine et répare
l'obscur, ce sera ainsi un forfait et un futur
Trop de l'aine,
du ventre, de glands et glandes
s'enaimant en
obscur, engendre des genres, pétrit du tissu glial
Se précipiter
hors baiser, se décoaguler, venir à portée
de tout possible
obscur
Arbres possibles,
arbres à eux-mêmes obscurs
jamais rassasiés,
jamais, d'avoir accès en multitudes,
à se
désorienter, à orienter, intolérable levure
Fange d'obscur
qui doucement fornique, paît
dans les cavités
où se fige de fugues (l'obscur)
Et la pluralité innombrable des modalités
de l'obscur, s'entretailler en innombrables – non deux -
d'obscures sexualités
Ici, en fèce,
à l'obscur, être immanent
Là en
voûte, à l'obscur, s'exhaler
Possibles, arbres
– Possible, obscurs, obscur.
Obscur a soi, sexuée, humilité,
outrecuidance, pitié.
Le Galaté au bois (1978) - pp 167/169 - in Du paysage à l'Idiome
Traduction Philippe Di Meo
Maurice Nadeau / Editions UNESCO - 1994
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