Ж
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Elle est assise, mais elle n’est pas près d’un arbre et elle n’est pas jolie non plus. Elle est assise et ses pieds sont noirs, ils sentent un peu la terre, c’est parce qu’elle a marché, elle a marché tout le pays vous savez.
Ses pieds ont voulu rentrer
dans une surface, et dans cet espace de l’intérieur, elle ne
pouvait pas passer, alors elle est assise.
Je ne me souviens pas de son
prénom, je l’appelle la prostituée, elle s’appelle
Fikali.
Et je lui demande pardon,
pardon d’oublier ton prénom ma petite amère, pardon
d’oublier que tu as aimé, pardon, pardon, ma petite
hargneuse, tu sens le poison dans la terre et tu manges à la
mort, redis ton prénom.
Parce que je suis seule
aujourd’hui dans chaque ligne il y a un mystère qui passe,
sur moi les choses se renversent, elles se retournent comme pour
dormir, elles ne me touchent jamais, oh comme je pense à toi.
Tu sais ce que c’est d’être une fille ?
Elle est sombre, elle mange la
viande. Et je l’envie, parce que j’aime la saveur et j’aime
aussi la couleur.
***
Tout le vide qu’il y a, dans
les boites qui sont vides, par exemple, les ascenseurs, ou dans les
toilettes des cafés, on frappe à la porte, qui est-ce ?
C’est le diable en personne. Qui est là ? C’est un
colporteur chinois, je suis venu pour te dire de mourir.
Elle se tient là, mais
elle n’est pas tranquille, elle n’est pas habitée non
plus, ne vous méprenez pas.
Elle est assise et j’aurais
voulu lui parler mais lui dire plusieurs mots ensemble qui soient le
mot juste, qu’ils lui rentrent par la bouche et lui descendent à
l’anus, qu’elle en pleure, qu’elle en pleure.
Lui dire, pardon, pardon, ma
petite, viens et pardonne-moi, tu peux te lever maintenant, tu vas te
lever et tu vas me pardonner.
Je l’appelle la prostituée,
c’est qu’elle craint le soleil, elle est noire, elle n’a plus
de dents. Ses dents elles sont parties, limées, petit à
petit, c’est de la patience, c’est de la minutie. Une femme sans
dent, tu sais ce que c’est d’être une fille ?
Quand on a deux narines, on y
met des choses dedans. Par exemple du raisin ou de l’huile d’olive.
La petite fille le sait déjà. Elle tire la langue et
avec sa langue elle touche les joues des autres. Avouez que c’est
beau. C’est toujours mieux que de dérouler ses entrailles
dans le désert.
La petite fille elle n’a pas
de prénom non plus, pas encore, mais ça devrait venir,
on lui donne de la confiance, on lui donne des petites caresses et
elle respire.
Il y a des mots : la rue
des bergers, agent secret, il lui arrive de s’ennuyer, tournez à
gauche, prenez à gauche, pas du tout, mais quand on a deux
narines, on est bien forcé de respirer.
Elle s’est assise parce
qu’elle devait mettre la tête dans ses mains comme tous ceux
sont en vie le soir. Elle a pris ses cheveux dans ses ongles et elle
a soupiré, elle a recommencé, elle a soupiré,
elle recommence, je dis qu’elle s’appelle comme je voudrais bien
et vous pouvez aller vous faire mettre.
***
Elle est menée ici. Elle
s’appelle Menée, c’est une femme qui a beaucoup vécu
et depuis longtemps elle connait par exemple les secrets de l’eau,
le souvenir de l’eau.
Elle a été aimée,
elle a aimé, elle a aimé aimer, elle est devenue la
prostituée. Elle parle à voix basse, écoutons-la.
Que dis-tu ? chchchch. Que dis-tu ? chéchéchichiché.
Que diras-tu demain ? chila michila michilamichi chomichila chi.
Quand vas-tu passer nous voir ? Chouchou mouloulou lalala. Et
elle se met à danser, et comme elle est belle soudain ses
dents repoussent et nous rentrons dans une brasserie. Je vais vous la
présenter, vous allez venir à moi.
Tu sais comment on fait pour
devenir une personne ? Il faut d’abord trouver le prénom
et le corps ensuite. C’est l’ordre de l’alphabet :
ABCDEFGHIJK et par exemple YY ou XY ou XX ou XU ou UX etc. etc. Quand
tu es la personne il faut parler, parler beaucoup, beaucoup, pardon,
beaucoup, pardonne-moi parce que je suis ici, pardon, pardonnez-nous
parce que nous sommes venus en nombre, nous sommes venus en nombre
infini, nous sommes tous venus ensemble, pardonnez-nous,
pardonnez-nous, nous savons cuisiner, nous promettons de cuisiner
tous les jours, nous vous promettons de cuisiner notre propre sang
pour le manger, tous ensemble, en nombre infini.
Maintenant elle est couchée
et ses vêtements, ils sont enlevés. La petite fille est
arrivée, elle a couru, elle lui dessine des lettres sur le
corps, mais des lettres que vous et moi ne connaissons pas.
Comment t’appelles-tu toi ma
petite ? Je m’appelle Précipitée pas du tout, je
suis venue en autobus avec ma maman, mais elle est tombée
malade, elle est restée dans l’autobus. Ma maman, ma pauvre
maman ! Allons, allons, ma petite, elle va revenir ta maman ne
t’inquiète pas. Tu l’aimes ta maman ? Je m’appelle
Précipitée pas du tout. Oui, mais est-ce que tu l’aimes
ta maman ? Je l’appelle. Tu joues d’un instrument de
musique ? Non. Elle se met à arracher les fleurs, elle
suce les cailloux. Elle a une grosse pierre dans la bouche. Pourquoi
mets-tu les pierres dans la bouche ma petite ? Elle ne répond
pas, la prostituée s’est endormie.
Tu es complètement seule
maintenant ma petite ? Oui madame.
La petite, elle a repris le
bus, elle a retrouvé la mère et les deux sont allées
voir les statues, c’est un endroit qu’on appelle comme ça,
les statues, il y a des statues là-bas forcément, au
moins 50, elles sont rouges. Et la petite Précipitée et
la mère se promènent entre les statues qui les
dépassent et qui sont rouges, rouge rose bizarre.
Les statues ont des yeux qui
sont plats, la pupille est égale à la peau. La petite
Précipitée est rassurée par ces yeux. On croit
qu’elles ont été sculptées les statues, par un
homme, mais il ne faut pas en être aussi sûr,
croyez-moi.
Croyez-moi, je vous en prie, on
ne sait pas ce qui se passe.
La prostitué s’éveille,
elle veut manger bien sûr, il n’y a que de la terre, c’est
parce qu’elle a beaucoup bu l’autre soir, au bar, après la
brasserie, elle était saoule, elle embrassait ceux qui ne
voulaient pas, on l’a foutue dehors fissa.
Eh Oh… Oh Eh… où
es-tu Précipitée ? Elle est partie avec la
daronne, elles sont allées voir des statues. Ah d’accord. Te
voilà seule à nouveau n’est-ce pas ? chchchchch.
Tu sais que lorsque tu souffres, il y a plusieurs couvercles qui
s’ouvrent sous ta peau, c’est un phénomène de la
vie, ne sois pas injuste avec les autres, ils ne font qu’exister,
il n’y a rien à attendre d’eux, il faut manger des
plantes, des légumes, les épluchures des légumes
il faut les garder, tu les garderas et tu les donneras à la
petite fille, elle saura quoi en faire. Pense à son corps, au
corps de la petite, elle n’a que 5 ans, pense à son corps.
Tu sais ce que c’est d’être une fille ? Est-ce que tu
sais ce que c’est au fond ? Oui.
Toi,
tu avais 5 ans, qu’est-ce que tu faisais dans cet âge,
qu’est-ce que tu faisais, tu le sais ? Oui. J’étais
avec mon frère, nous n’avions pas de chaussures et nous
avons marché et moi j’ai vieilli, lui il a disparu, c’est
ici qu’on m’a retrouvée, assise ici.
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