** - Laura Vazquez


                                                          
Ж Ж

Elle est assise, mais elle n’est pas près d’un arbre et elle n’est pas jolie non plus. Elle est assise et ses pieds sont noirs, ils sentent un peu la terre, c’est parce qu’elle a marché, elle a marché tout le pays vous savez.

Ses pieds ont voulu rentrer dans une surface, et dans cet espace de l’intérieur, elle ne pouvait pas passer, alors elle est assise.

Je ne me souviens pas de son prénom, je l’appelle la prostituée, elle s’appelle Fikali.

Et je lui demande pardon, pardon d’oublier ton prénom ma petite amère, pardon d’oublier que tu as aimé, pardon, pardon, ma petite hargneuse, tu sens le poison dans la terre et tu manges à la mort, redis ton prénom.

Parce que je suis seule aujourd’hui dans chaque ligne il y a un mystère qui passe, sur moi les choses se renversent, elles se retournent comme pour dormir, elles ne me touchent jamais, oh comme je pense à toi. Tu sais ce que c’est d’être une fille ?

Elle est sombre, elle mange la viande. Et je l’envie, parce que j’aime la saveur et j’aime aussi la couleur.


***
Tout le vide qu’il y a, dans les boites qui sont vides, par exemple, les ascenseurs, ou dans les toilettes des cafés, on frappe à la porte, qui est-ce ? C’est le diable en personne. Qui est là ? C’est un colporteur chinois, je suis venu pour te dire de mourir.

Elle se tient là, mais elle n’est pas tranquille, elle n’est pas habitée non plus, ne vous méprenez pas.

Elle est assise et j’aurais voulu lui parler mais lui dire plusieurs mots ensemble qui soient le mot juste, qu’ils lui rentrent par la bouche et lui descendent à l’anus, qu’elle en pleure, qu’elle en pleure.

Lui dire, pardon, pardon, ma petite, viens et pardonne-moi, tu peux te lever maintenant, tu vas te lever et tu vas me pardonner. 

Je l’appelle la prostituée, c’est qu’elle craint le soleil, elle est noire, elle n’a plus de dents. Ses dents elles sont parties, limées, petit à petit, c’est de la patience, c’est de la minutie. Une femme sans dent, tu sais ce que c’est d’être une fille ?

Quand on a deux narines, on y met des choses dedans. Par exemple du raisin ou de l’huile d’olive. La petite fille le sait déjà. Elle tire la langue et avec sa langue elle touche les joues des autres. Avouez que c’est beau. C’est toujours mieux que de dérouler ses entrailles dans le désert.

La petite fille elle n’a pas de prénom non plus, pas encore, mais ça devrait venir, on lui donne de la confiance, on lui donne des petites caresses et elle respire.

Il y a des mots : la rue des bergers, agent secret, il lui arrive de s’ennuyer, tournez à gauche, prenez à gauche, pas du tout, mais quand on a deux narines, on est bien forcé de respirer.

Elle s’est assise parce qu’elle devait mettre la tête dans ses mains comme tous ceux sont en vie le soir. Elle a pris ses cheveux dans ses ongles et elle a soupiré, elle a recommencé, elle a soupiré, elle recommence, je dis qu’elle s’appelle comme je voudrais bien et vous pouvez aller vous faire mettre. 


***
Elle est menée ici. Elle s’appelle Menée, c’est une femme qui a beaucoup vécu et depuis longtemps elle connait par exemple les secrets de l’eau, le souvenir de l’eau. 

Elle a été aimée, elle a aimé, elle a aimé aimer, elle est devenue la prostituée. Elle parle à voix basse, écoutons-la. Que dis-tu ? chchchch. Que dis-tu ? chéchéchichiché. Que diras-tu demain ? chila michila michilamichi chomichila chi. Quand vas-tu passer nous voir ? Chouchou mouloulou lalala. Et elle se met à danser, et comme elle est belle soudain ses dents repoussent et nous rentrons dans une brasserie. Je vais vous la présenter, vous allez venir à moi.

Tu sais comment on fait pour devenir une personne ? Il faut d’abord trouver le prénom et le corps ensuite. C’est l’ordre de l’alphabet : ABCDEFGHIJK et par exemple YY ou XY ou XX ou XU ou UX etc. etc. Quand tu es la personne il faut parler, parler beaucoup, beaucoup, pardon, beaucoup, pardonne-moi parce que je suis ici, pardon, pardonnez-nous parce que nous sommes venus en nombre, nous sommes venus en nombre infini, nous sommes tous venus ensemble, pardonnez-nous, pardonnez-nous, nous savons cuisiner, nous promettons de cuisiner tous les jours, nous vous promettons de cuisiner notre propre sang pour le manger, tous ensemble, en nombre infini.  

Maintenant elle est couchée et ses vêtements, ils sont enlevés. La petite fille est arrivée, elle a couru, elle lui dessine des lettres sur le corps, mais des lettres que vous et moi ne connaissons pas.

Comment t’appelles-tu toi ma petite ? Je m’appelle Précipitée pas du tout, je suis venue en autobus avec ma maman, mais elle est tombée malade, elle est restée dans l’autobus. Ma maman, ma pauvre maman ! Allons, allons, ma petite, elle va revenir ta maman ne t’inquiète pas. Tu l’aimes ta maman ? Je m’appelle Précipitée pas du tout. Oui, mais est-ce que tu l’aimes ta maman ? Je l’appelle. Tu joues d’un instrument de musique ? Non. Elle se met à arracher les fleurs, elle suce les cailloux. Elle a une grosse pierre dans la bouche. Pourquoi mets-tu les pierres dans la bouche ma petite ? Elle ne répond pas, la prostituée s’est endormie. 

Tu es complètement seule maintenant ma petite ? Oui madame.

La petite, elle a repris le bus, elle a retrouvé la mère et les deux sont allées voir les statues, c’est un endroit qu’on appelle comme ça, les statues, il y a des statues là-bas forcément, au moins 50, elles sont rouges. Et la petite Précipitée et la mère se promènent entre les statues qui les dépassent et qui sont rouges, rouge rose bizarre.

Les statues ont des yeux qui sont plats, la pupille est égale à la peau. La petite Précipitée est rassurée par ces yeux. On croit qu’elles ont été sculptées les statues, par un homme, mais il ne faut pas en être aussi sûr, croyez-moi. 

Croyez-moi, je vous en prie, on ne sait pas ce qui se passe.

La prostitué s’éveille, elle veut manger bien sûr, il n’y a que de la terre, c’est parce qu’elle a beaucoup bu l’autre soir, au bar, après la brasserie, elle était saoule, elle embrassait ceux qui ne voulaient pas, on l’a foutue dehors fissa.

Eh Oh… Oh Eh… où es-tu Précipitée ? Elle est partie avec la daronne, elles sont allées voir des statues. Ah d’accord. Te voilà seule à nouveau n’est-ce pas ? chchchchch. Tu sais que lorsque tu souffres, il y a plusieurs couvercles qui s’ouvrent sous ta peau, c’est un phénomène de la vie, ne sois pas injuste avec les autres, ils ne font qu’exister, il n’y a rien à attendre d’eux, il faut manger des plantes, des légumes, les épluchures des légumes il faut les garder, tu les garderas et tu les donneras à la petite fille, elle saura quoi en faire. Pense à son corps, au corps de la petite, elle n’a que 5 ans, pense à son corps. Tu sais ce que c’est d’être une fille ? Est-ce que tu sais ce que c’est au fond ? Oui.

Toi, tu avais 5 ans, qu’est-ce que tu faisais dans cet âge, qu’est-ce que tu faisais, tu le sais ? Oui. J’étais avec mon frère, nous n’avions pas de chaussures et nous avons marché et moi j’ai vieilli, lui il a disparu, c’est ici qu’on m’a retrouvée, assise ici.

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