Henri Rousseau - Cheval attaqué par un jaguar. |
Je
ne suis pas de ceux qui croient qu'une ville ne doit pas s'élever
jusqu'à la catastrophe encore un tour de rein de cou d'étage ce sera le
déclic du promontoire je ne suis pas de ceux qui luttent contre la
propagation du taudis encore une tache de merde ce sera le marais vrai.
Vrai la puissance d'une cité n'est pas en raison inverse de la saleté de
ses ménagères pour moi je sais bien le panier où ne roulera jamais plus
ma tête. Vrai la puissance d'un regard n'est pas en fonction inverse de
sa cécité pour moi je sais bien où la lune ne viendra pas poser sa
jolie tête d'affaire étouffée. Au coin du tableau le désespoir inférieur
et ma gueule de primate caressée depuis trois cents ans. Au centre la
centrale téléphonique et l'usine à gaz en pleine anthèse (trahison des
houilles et des maréchaux). Au coin ouest-ouest le métabolisme floral et
ma gueule de primate démantelée depuis trois cents ans la fumée nopal
nopal au paysage repu les figuiers étrangleurs font leur apparition
salivée de ma gueule de mufle de sphinx démuselée depuis le néant. Où
allez-vous ma femme marron ma restituée ma cimarronne les morts pour la
patrie défont leurs tranquilles oreillers de jungle au creux des pièges à
dormir ; les volcans émettent leur gueule silencieuse de veuve et de
laboratoire, les jolis parachutes des années sautent dans le vide et
lancent à la petite semaine leurs tracts de rue de blé-de-rue de femmes à
prendre et à quitter car il y a toujours l'air et ses moraines l'oestre
de l'air les avalanches de l'air et les empires paternes claquant au
vent galant de la justice mais les femmes du matin trébuchent dans leurs
cauchemars de nuit et viennent s'écraser sur le trottoir où il n'y a
plus ni police ni crime mais des dieux à confirmer et le docteur
angélique forçant sa face de pas géométriques à travers les champs du
sabotage. Où allez-vous ma femme marron ma restituée ma cimarronne il
vit à pierre fendre et la limaille et la grenaille tremblent leur don de
sabotage dans les eaux et les saisons Où allez-vous ma femme marron ma
restituée ma cimarronne le coeur rouge des pierres les plus sombres
s'arrête de battre quand passent les cavaliers du sperme et du tonnerre
De tribord à bâbord ne déchiffre pas les paroles du vent de bâbord à
tribord les îles du vent et sous le vent la démence qui est la figure du
printemps c'est midi je te sais gré de tes fantômes heure seule et la
première pour le Virgen de la Caridad et son frais minois d'exaction
coloniale A midi garde par les euphorbes fétiches le soleil le bourreau
la poussée des masses la routine de mourir et mon cri de bête blessée de
bête ce n'est pas la peine de l'achever ni de l'adorer de bête
incompatible les jours y approvisionnent le fait-divers incompréhensible
de l'équinoxe jouant sur l'automatisme des élections sanglantes et du
rhum à bon marché de villes-de-cave où les habitacles du salpêtre
déclinent leur nom aux carrefours enténébrés de fer de lances de lovées
d'instants de charrascal des câbles à haute tension des forêts du ciel
chargé des épis de la pluie avec l'embouteillage systématique des ruts
jusqu'à ce que mort s'ensuive et c'est ainsi jusqu'à l'infini des
fièvres la formidable écluse de la mort bombardée par mes yeux à
moi-même aléoutiens qui de terre de ver cherchent parmi terre et vers
tes yeux de chair de soleil comme un négrillon la pièce dans l'eau où ne
manque pas de chanter la forêt vierge jaillie du silence de la terre de
mes yeux à moi-même aléoutiens et c'est ainsi le saute-mouton salé des
pensées hermaphrodites des appels de jaguars de source d'antilope de
savanes cueillis aux branches de mas yeux pour toi aussi aléoutiens
lancés à travers leur première grande aventure : la cyathée merveilleuse
sous laquelle s'effeuille une jolie nymphe parmi le lait des
mancenilliers et les accolades des sangsues fraternelles.
In Les armes miraculeuses
Poésie / Gallimard
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