Le mécanisme d’Anticythère |
LE 9 THARGÉLION : Suis curieux de le voir.
Il serait petit, petit et trapu; il inclinerait toujours un peu la tête vers la gauche.Du vent lapait les feuilles bruyamment, radotait et s'agitait dans les buissons comme un ivrogne excité, devant moi, derrière moi, à gauche aussi : quel côté d'abord écouter ? Hipponax sortit de la tente; me vit tourner la tête tout ouïe, et m'adressa un signe de tête compréhensif en souriant (plus on vit avec lui, plus il devient sympathique) ; m'invita à descendre avec lui à la ville. (Agathyrse joue de nouveau Xerxès dans le "Sataspès" de Critias, Monika joue Atossa. Je l'ai déjà vu hier; d'excellents costumes; le passage le plus impressionnant : quand Sataspès, une main déjà clouée sur la croix, se tourne et dit :
«... lequel à présent par dédain vous quitte,
à la recherche de terres inconnues...»
Elle, très sobre, virginale, avec de la dissimulation - ah, elle n'est certainement rien de cela. Et le masque d'ivoire sur le col en calice.)
Un vacarme incroyable sur la place : comme à l'intérieur de Chalybon tout est plein à craquer, un aubergiste futé a dressé quelques rangées de tentes ici sur la colline et fait des affaires en or en les louant. (Aussi par ce beau temps, c'est sans doute plus agréable, plus respirable ainsi. - «Avec tous ces soldats !» nous a-t-il chuchoté à l'oreille pour s'excuser, «cette fois il paraît qu'on marche contre l'Arabie. - Ou Carthage !» Amusantes, ces rumeurs. Mais sans doute révélatrices aussi.)
Balade à travers la ville (de moyenne importance seulement) ; pourquoi on commence à l'appeler depuis peu Beroia demeure énigmatique aussi pour Hipponax (il m'arrive seulement aux épaules, mais il est large et solide). Les séries d'articles des correspondants de guerre préférés sur la campagne des Indes paraissent à présent en masse chez les bibliocapelles : mensonges et rodomontades bien sûr pour nos chers polloï avides de sensationnel; moi chez Aristote, j'ai lu les procès-verbaux probes et objectifs de Néarque, Onésicrite, etc. : c'est un tout autre son de cloche. Inévitables, les cris : des porteurs d'eau, des devins (toutes les sortes de manties qu'on veut, pour deux trois oboles), des ravins de rues inondés de poussière, et dedans des poutrages de rais de soleil, comme massifs, qu'on voudrait les toucher de la main et se baisser pour passer au dessous (...)
Il serait petit, petit et trapu; il inclinerait toujours un peu la tête vers la gauche.Du vent lapait les feuilles bruyamment, radotait et s'agitait dans les buissons comme un ivrogne excité, devant moi, derrière moi, à gauche aussi : quel côté d'abord écouter ? Hipponax sortit de la tente; me vit tourner la tête tout ouïe, et m'adressa un signe de tête compréhensif en souriant (plus on vit avec lui, plus il devient sympathique) ; m'invita à descendre avec lui à la ville. (Agathyrse joue de nouveau Xerxès dans le "Sataspès" de Critias, Monika joue Atossa. Je l'ai déjà vu hier; d'excellents costumes; le passage le plus impressionnant : quand Sataspès, une main déjà clouée sur la croix, se tourne et dit :
«... lequel à présent par dédain vous quitte,
à la recherche de terres inconnues...»
Elle, très sobre, virginale, avec de la dissimulation - ah, elle n'est certainement rien de cela. Et le masque d'ivoire sur le col en calice.)
Un vacarme incroyable sur la place : comme à l'intérieur de Chalybon tout est plein à craquer, un aubergiste futé a dressé quelques rangées de tentes ici sur la colline et fait des affaires en or en les louant. (Aussi par ce beau temps, c'est sans doute plus agréable, plus respirable ainsi. - «Avec tous ces soldats !» nous a-t-il chuchoté à l'oreille pour s'excuser, «cette fois il paraît qu'on marche contre l'Arabie. - Ou Carthage !» Amusantes, ces rumeurs. Mais sans doute révélatrices aussi.)
Balade à travers la ville (de moyenne importance seulement) ; pourquoi on commence à l'appeler depuis peu Beroia demeure énigmatique aussi pour Hipponax (il m'arrive seulement aux épaules, mais il est large et solide). Les séries d'articles des correspondants de guerre préférés sur la campagne des Indes paraissent à présent en masse chez les bibliocapelles : mensonges et rodomontades bien sûr pour nos chers polloï avides de sensationnel; moi chez Aristote, j'ai lu les procès-verbaux probes et objectifs de Néarque, Onésicrite, etc. : c'est un tout autre son de cloche. Inévitables, les cris : des porteurs d'eau, des devins (toutes les sortes de manties qu'on veut, pour deux trois oboles), des ravins de rues inondés de poussière, et dedans des poutrages de rais de soleil, comme massifs, qu'on voudrait les toucher de la main et se baisser pour passer au dessous (...)
Arno Schmidt in Alexandre ou Qu'est-ce que la vérité
Traduction Claude Riehl - Editions Tristram - 2008 - p.7-8
Traduction Claude Riehl - Editions Tristram - 2008 - p.7-8
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