TUTUGURI - Le rite du soleil noir - Antonin Artaud



Jean-Loup Chastres

Et en bas, comme au bas de la pente amère,
cruellement désespérée du cœur,
s'ouvre le cercle des six croix,
              très en bas,
comme encastré dans la terre mère,
désencastré de l'étreinte immonde de la mère
              qui bave.
La terre de charbon noir
est le seul emplacement humide
dans cette fente de rocher.
Le Rite est que le nouveau soleil passe par sept points
              avant d'éclater à l'orifice de la terre.
Et il y a six hommes,
un pour chaque soleil,
et un septième homme
qui est le soleil tout
              cru
habillé de noir et de chair rouge.
Or, ce septième homme
est un cheval,
un cheval avec un homme qui le mène.
Mais c'est le cheval
qui est le soleil
et non l'homme.
Sur le déchirement d'un tambour et d'une trompette
              longue,
étrange,
les six hommes
qui étaient couchés,
roulés à ras de terre,
jaillissent successivement comme des tournesols,
non pas soleils mais sols tournants,
des lotus d'eau,
et à chaque jaillissement
correspond le gong de plus en plus sombre
              et rentré
              du tambour
jusqu'à ce que tout à coup on voie arriver au grand galop,
avec une vitesse de vertige,
le dernier soleil,
le premier homme,
le cheval noir avec un
              homme nu,
              absolument nu
              et vierge
              sur lui.
Ayant bondi, ils avancent suivant des méandres circulaires
et le cheval de viande saignante s'affole
et caracole sans arrêt
au faîte de son rocher
jusqu'à ce que les six hommes
aient achevé de cerner
complètement
les six croix.
Or, le ton majeur du Rite est justement
              L'ABOLITION
              DE LA CROIX.
Ayant achevé de tourner
ils déplantent
les croix de terre
et l'homme nu
sur le cheval
arbore
un immense fer à cheval
qu'il a trempé dans une coupure de son sang. 

In,  Pour en finir avec le jugement de Dieu 

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