Kowloon - Hong-Kong |
(...) Nous ne sommes qu’au
début de la civilisation urbaine ; nous avons encore à la faire
nous-mêmes, quoiqu’en partant de conditions préexistantes. Toutes les
histoires que nous vivons, la dérive de notre vie, sont marquées par la
recherche, ou le manque, d’une construction supérieure. Le changement de
l’environnement fait surgir de nouveaux états de sentiments, d’abord
passivement ressentis, puis qui en viennent à réagir constructivement,
avec l’accroissement de la conscience. Londres a été le premier
aboutissement urbain de la révolution industrielle, et c’est la
littérature anglaise du XIXe
siècle qui témoigne d’une prise de conscience des problèmes de
l’atmosphère et des possibilités qualitativement différentes dans une
grande agglomération. La lente évolution historique des passions prend
un de ses tournants avec l’amour de Thomas de Quincey et de la pauvre
Ann, fortuitement séparés et se cherchant sans jamais se retrouver « à
travers l’immense labyrinthe des rues de Londres ; peut-être à quelques
pas l’un de l’autre… » La vie réelle de Thomas de Quincey dans la
période comprise entre 1804 et 1812 en fait un précurseur de la dérive :
« Cherchant ambitieusement mon passage au Nord-Ouest, pour
éviter de doubler de nouveau tous les caps et les promontoires que
j’avais rencontrés dans mon premier voyage, j’entrais soudainement dans
des labyrinthes de ruelles… J’aurais pu croire parfois que je venais de
découvrir, moi le premier, quelques-unes de ces terræ incognitæ,
et je doutais qu’elles eussent été indiquées sur les cartes modernes de
Londres. » Et vers la fin du siècle, cette sensation est si couramment
admise dans l’écriture romanesque que Stevenson montre un personnage
qui, dans Londres la nuit, s’étonne de « marcher si longtemps dans un
décor aussi complexe sans rencontrer ne fût-ce que l’ombre d’une
aventure » (New Arabian Nights). Les urbanistes du XXe siècle devront construire des aventures.
L’acte situationniste le plus simple consistera à abolir tous les souvenirs de l’emploi du temps de notre époque. C’est une époque qui, jusqu’ici, a vécu très au-dessous de ses moyens.
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