Le point de départ pour le « calcul »
de la première de ces nouvelles formes de prose fut ma réflexion
sur le processus du « souvenir » : chaque fois que
l'on se souvient d'un quelconque petit ensemble d'expériences, que
ce soit « école primaire » ou « un voyage en été »
- apparaissent alors en accéléré quelques images très claires
(que j'appelle en raccourci : des « photos »),
autour desquelles viennent se placer dans la suite du déroulement du
« souvenir » des petits fragments explicatifs (des
« textes ») : un tel mélange d'« unités
photos-textes » est en somme le résultat final de toute
tentative consciente de se souvenir.
[…]
Pour le nombre et la longueur des
photos et des textes, comme pour leur texture rythmique et verbale,
ce qui est déterminant, c'est :
Lignes de mouvements et
tempo
des personnages dans
l'espace !
Il y a bien sûr une différence
fondamentale si, pour un lieu donné,
je dois
le traverser
rapidement
ou si
je peux
tourner autour
lentement.
Dans ce dernier cas on voit le lieu de
tous les côtés sous des éclairages nombreux et de plus longues
durée ; on « a » chaque fois automatiquement un
tout autre « temps », un tout autre rapport avec les
personnes rencontrées, avec le destin (ou comme vous voudrez
l'appeler).
Par exemple il s'ensuit que dans le
premier cas (le déplacement en ligne droite, nécessairement rapide,
des « Émigrants ») un nombre de « photos »
beaucoup plus grand sera nécessaire pour venir à bout de l'espace
parcouru, qui est plus varié ; il s'ensuivra que les prises de
vues devront être plus courtes, les phrases elles-mêmes plus
hâtives que dans le deuxième des exemples choisis, le
« Pocahontas », peint à la manière de Hobema.
Arno
Schmidt – Calculs I
in
Roses & Poireau
traduction
Claude Riehl
Éditions
Maurice Nadeau - 1994
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