L'ère Pataphysique commence le 8 septembre 1873.
HYLACTOR. Comment
! tu sçais donc bien lire ! Où as tu apprins cela ?
PAMPHAGUS.
Je te le diray après, mais escoute cecy premièrement. Tu doys
entendre que quand ung chascun de nous faisoit ses effortz de le
mordre, d'adventure je le mordy en la langue, laquelle il tiroit hors
la bouche, si bien que j'en emportay une bonne pièce que j'avallay.
Or dict le compte que cela fut cause de me faire parler ; il n'y
a rien si vray, car aussi Diane le vouloit. Mais, pource que je n'ay
point encores parlé devant les hommes, on cuyde que ce ne soit
qu'une fable ; toutesfoys, si est-on tousjours après pour
trouver les chiens qui mangerent de la langue d'Acteon cerf ; car le
livre dict qu'il y en eust deux, dont j'en'suis l'ung.
HYLACTOR. Corbieu ! je suis donc
l'autre, car j'ay souvenance que je mangeay ung bon loppin de sa
langue ; mais je n'eusse jamais pensé que la parolle me fust venue
cause de cela.
PAMPHAGUS.
Je t'asseure, Hylactor, mon amy, qu'il en est ainsi que je le te dy,
car je l'ay veu en escript.
HYLACTOR.
Tu es bien heureux de te cognoistre ainsi aux livres, où l'on voit
tant de bonnes choses. Que c'est un beau passe-temps. Je vouldroye
que Diane m'eust faict la grace d'en sçavoir
autant que toy.
autant que toy.
PAMPHAGUS. Et je
vouldroye bien que je n'en sceusse ja tant, (...) dequoy sert cela à
ung chien, ny le parler avec ? Un chien ne doibt autre chose sçavoir,
sinon abayer aux estrangers, servir de garde à la maison, flatter
les domestiques, aller à la chasse, courir le lievre et le prendre,
ronger les os, lescber la vaisselle et suivre son maistre.
IHYLACTOR. Il est
vray ; mais, toutesfoys, si faict-il bon sçavoir quelque chose
davantage ; car on ne sçait où l'on se trouve. Comment, tu n'as
donc point encore donné à entendre aux gens que tu sçais parler ?
PAMPHAGUS.
Non.
HYLACTOR. Et
pourquoy ?
PAMPHAGUS.
Pour ce qu'il ne m'en chault ; car j'ayme mieulx me taire.
Bonaventure
des Périers
Cymbalum
mundi en françoys
contenant
quatre dialogues poétiques,
fort
antiques, joyeux et facétieux
Lyon
- B. Bonnyn – 1538
L'IMPRIMEUR
AU LECTEUR, SALUT.
Le
Temps, glouton devorateur de l'humaine excellence, se rend souventes
fois coustumier (tant nous est-il ennemy) de suffoquer la gloire
naissante de plusieurs gentilz esprits ou ensevelir d'une ingrate
oubliance les œuvres exquises d'iceux ; desquelles si la
congnoissance nous estoit permise, ô Dieu tout bon, quel avancement
aux bonnes lettres ! De ceste injure les siecles anciens, et noz
jours mesmes, nous rendent espreuve plus que suffisante. Et vous ose
bien persuader (amy Lecteur) que le semblable fust advenu de ce
present volume, duquel demourions privez sans la diligence de quelque
vertueux presonnage qui n'ha voulu souffrir ce tort nous estre faict,
et la memoire de feu Bonaventure
Des Periers, excellent poete, rester frustrée du los qu'elle
merite. Or, l'ayant arraché de l'avare main de ce faucheur importun,
je le vous presente avec telle eloquence que chacun congnoist ses
autres labeurs estre jouez. D'une chose je m'asseure, que l'envieux
pourra abbayer à l'encontre
tant qu'il voudra ; mais y mordre, non.
Antoine
Du Moulin – imprimeur
ou
bien
Nicolas
Denisot – éditeur
voire
Robert
Granjon – graveur-fondeur
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