Le Grand spectre – William S. Burrough



Hayao Miyazaki - le dieu cerf / Princesse Mononoké



En langue indigène, le terme employé pour lémurien signifie spectre, fantôme, ombre. Il était tabou de tuer les spectres et Mission avait promulgué une loi interdisant de le faire, sous peine d'expulsion de la colonie. Si un crime était passible de la peine de mort, également prohibée par ces articles, c'était bien ce crime.

Mission recherchait une autre espèce de lémurien, de la taille d'un veau ou d'une vachette, au dire d'un informateur indigène.
- Où sont les spectres ?
L'indigène désigna d'un geste vague l'intérieur des terres.
- Tu dois prendre garde au méchant Lézard-Qui-Change-de-Couleur. Si tu tombes sous son charme, toi aussi, tu changeras de couleur. Toi aussi, tu deviendras noir de colère, vert de peur et rouge de désir.
- Et alors ? Qu'y a-t-il de mal à ça ?
- Dans un an tu en mourras. Les couleurs rongeront ta peau et tes chairs.
- Tu parlais d'un grand spectre. Plus grand qu'une chèvre. Où se trouve-t-il ?
- Quand tu entends Chebahaka, Homme-Dans-Les-Arbres, alors le grand n'est pas là. Elle ne peut être où il y a du bruit.
- Elle ?
- Elle. Il. Pour le Grand Spectre, c'est pareil.
- Bien. Il se trouve là où n'est pas Homme-Dans-Les-Arbres ?
- Non. Il se trouve là où Homme-Dans-Les-Arbres est silencieux.
Ceci survenait à l'aube et au coucher du soleil.


William S. Burrough – L'ombre d'une chance
Traduction Sylvie Durastanti
Christian Bourgois éditeur – 1998


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