Typoésie 1 - Béatrice Brérot |
Je les mets en bouche -c'est le seul moyen pour
Je les passe à droite à gauche
sur la langue la glotte -jusqu'à le haut-le-coeur mais
Je mâche à peine
Je suce suçote -il ne faudrait pas que
J'imprègne de salive
mon fluide dissolvant
fait son travail
Je fends -jusqu'au cœur où
*
Au bout d'un moment
Sur la table
Entre mes mains
Dans la bouche
Ou la tête
Les mots gisent
Mon jus de salive
Tend ses fils entre les commissures
Et ces moitiés de mots
Qui hululent leurs ventres éclatés
La coulure des syllabes
Au bout d'un moment
Je passe la langue sur l'arête aiguë
De leurs déchirures
Tous les sens envolés dans la glu de ma joue
*
certains disent Il n'y a rien au fond
-ceux-là ont percé à jour
sous l'adroit assemblage
de mes mots sur la page
le vide des cailloux-
certains disent Il n'y a rien derrière
ce n'est pas faux
*
il y a juste la jouissance
le plaisir d'arracher
une à une les peaux
de gratter, de racler
du bout de l'ongle le mot
de ne plus rien comprendre
d'observer longuement
jusqu'à devenir folle
la coque vide et molle
de l'étrange animal
*
sous le mot il y a
ça coule à mon oreille
loin très loin derrière
le giclée de la mer
*
Le mot est une conque :
Qui comprend sa musique ?
Pour lire encore Murièle Modély
Aucun commentaire :
Enregistrer un commentaire