A quel moment puis-je dire d'une
chaussure : « elle est usée »
?
A quel degré d'usure, à
quel stade de transformation de la chaussure, intervient le jugement
: « elle est usée »
?
Quelles
sont les circonstances qui m'amènent à repousser dans
le temps la formulation de cette phrase : « elle est usée
» ?
Les
signes extérieurs de l'usure sont-ils semblable d'une
chaussure à l'autre ? Sont-ils constants ?
Une
botte en cuir s'use-t-elle de la même manière qu'une
pantoufle en feutre ?
Toutes
les semelles s'usent-elles plus vite que l'empeigne ?
Jusqu'à
quel degré d'usure la marche est-elle possible ?
Une
chaussure s'use-t-elle même quand je ne la porte pas ?
Une
chaussure est-elle usée plus vite par la marche, ou par les
intempéries ?
Y
a-t-il un moment, au cours de son utilisation, où une
chaussure s'use plus vite (par exemple, juste avant « la
fin ») ?
Quel
est le laps de temps, limité par deux états de la
chaussure, au cours duquel les différents degrés
d'usure qu'elle présente permettent d'énoncer : « elle
est usée » ?
Puis-je
connaître la limite entre l'usure et la destruction de la
chaussure ?
Quand
je porte sans cesse la même paire de chaussures, est-ce parce
qu'elle me plaît, ou par désir de l'user (i.e. « d'en
finir ») ?
Est-ce
vraiment par souci d'en prolonger la durée que je prends soin
de mes chaussures ?
Une
chaussure est-elle usée quand je ne peux plus la porter, ou
quand je ne veux plus la porter ?
La
même chaussure, portée par moi, sera-t-elle pareillement
usée aux pieds d'autrui ?
Lorsque
je parle d'usure, cela concerne-t-il le cuir de la chaussure, matière
dont elle est constituée, ou la chaussure entière ?
L'usure
change-t-elle la nature de la marche ?
L'analyse
de certains paramètres (qualité du cuir, forme du pied,
façon de marcher, aire géographique, climat de la
région dans laquelle je marche...) permettrait-elle de prévoir
l'évolution de l'usure ?
Est-ce
l'achat de la chaussure, ou son usage, qui détermine la
possession ?
Une
chaussure usée est-elle plus « mienne »
qu'une chaussure neuve ?
Quelle
signification a le fait que je puisse regretter, voire même
pleurer, la perte d'une chaussure ?
L'usure
est-elle de l' « humanité » ajoutée à
de l'inanimé ?
L'usure
comme processus a-t-elle plus d'intérêt que comme
résultat ?
Nathalie
Quintane – Chaussure – P.O.L -1997
in
la poésie française contemporaine – pp. 334/335 –
Le Cherche Midi
Aucun commentaire :
Enregistrer un commentaire