Gros plan un
soldat mange, sa gamelle Gros plan un soldat boit, son pot de
métal Gros plan, mains ouvrent quartiers d'orange épluchée
Gros plan,
visage soldat qui mâche Gros plan, soldat mange un
citron Gros plan, mains soldat qui écrit lettre Gros
plan visage vieille femme, foulard noir
Gros plan
enfant avec béret Gros plan soldat assis lit journal Gros
plan soldat coud Gros plan visage femme, regarde ses mains puis
lève les yeux Gros plan enfants allongés par terre
Beau travelling
latéral sur le groupe, du plus âgé au plus jeune
Félix Fénéon lors des audiences du « procès des
Trente »
Accusé de terrorisme, suite à un attentat dans un restaurant parisien, le
critique, Félix Fénéon est jugé avec la fine fleur du mouvement anarchiste français.
« Le Président Dayras. – Votre concierge affirme que vous receviez des gens de
mauvaise mine.
Félix Fénéon. – Je ne reçois guère que des écrivains et des
peintres.
Pr. – L’anarchiste Matha, lorsqu’il est venu à Paris, est descendu chez
vous.
F. – Peut-être manquait-il d’argent.
Pr. – À l’instruction, vous avez refusé de donner des renseignements sur Matha et
sur Ortiz.
F. – Je ne me souciais pas de rien dire qui pût les compromettre. J’agirais de
même à votre égard, monsieur le Président, si le cas se présentait.
Pr. – On a trouvé dans votre bureau des détonateurs, d’où venaient-ils
?
F. – Mon père les avait ramassés dans la rue.
Pr. – Comment expliquez-vous qu’on trouve des détonateurs dans la rue
?
F. – Le juge d’instruction m’a demandé pourquoi je ne les avais pas jetés par la
fenêtre au lieu de les emporter au ministère. Vous voyez qu’on peut trouver des détonateurs dans la rue.
Pr. – Votre père n’aurait pas gardé ces objets. Il était employé à la Banque de
France et l’on ne voit pas ce qu’il pouvait en faire.
F. – Je ne pense pas en effet qu’il dût s’en servir, pas plus que son fils, qui
était employé au ministère de la guerre.
Pr. – Voici un flacon que l’on a trouvé dans votre bureau. Le reconnaissez-vous
?
F. – C’est un flacon semblable, en effet.
Pr. – Emile Henry, dans sa prison, a reconnu ce flacon pour lui avoir
appartenu.
F. – Si l’on avait présenté à Emile Henry un tonneau de mercure, il l’aurait
aussitôt reconnu. Il n’était pas exempt d’une certaine forfanterie.
Pr. – Vous avez dit que vous croyiez que les détonateurs n’étaient pas des engins
explosifs. Or, M. Girard a fait des expériences qui établissent qu’ils sont dangereux.
F. – Cela prouve que je me trompais.
Pr. – Vous savez que le mercure sert à confectionner un dangereux explosif, la
fulminate de mercure ?
F. – Il sert aussi à confectionner des baromètres. »
Le Baron de Münchhausen. Gravure de August von Wille -1872
« Comme
ça que t'imagines ksé sur la Lune ? »
demanda=t=elle en s'étonnant : « Ch'comprends pas :
elle s'déroule où la scène ? »
« Peux=tu
te représenter un ptit cratère,
ma vie ? - 500 mètres de diamètre ? - Si soigneusement
choisi=euh : qu'il a en son milieu 1 haute montagne centrale pointue
: de laquelle partent vers les parois du cirque de 5 à 7
constructions en aluminium ; qui servent de supports à une
coupole de plexiglas recouvrant l'ensemble : "GLASS
TOWN" ! - Peux=tu te le représenter, Hertha ? »
« Pour
sla, je peux dire que mon imagination
est encore intacte. » répliqua=t=elle avec dignité
: « Et qu'est=ce que "l'ardoise coucou à
poil roux" a à voir là=dedans ? »
/ (« C'est ptêtre pas si bête, d'ailleurs »
marmonna=t=elle par=derrière : « Un fond gris
ardoise ; pommelé de rouge et de bleuâtre ; - : et
le coucou ! ». Elle
expulsa de l'air d'entre ses lèvres, d=contenancée :
mais le nota quand même sur son carnet d'esquisses.)
« Dans
la paroi intérieure de la montagne, des cavernes=ateliers,
hein ? » - : « Ouii » dit=elle ;
(nerveuse, parce qu'elle m'entendait éternuer) : « Tu
peux pas te boutonner le col de la chemise ? Faut toujours que tu te
balades les amygdales à l'air..... ». (Mais me
rajusta avec un certain degré de tendresse le foulard qui
s'était défait) : « Du silésien pour
dire la « gorge nue » me renseignai=je :
« Merci bien, c'est parfait..... »
Arno Schmidt - On a marché sur la Lande
Traduction Claude Riehl
Tristram - 2005
Dans
la lune — car c’était là l’île étincelante
où nous venions d’aborder —, nous vîmes de grands
êtres montés sur des vautours, dont chacun avait trois
têtes. Pour vous donner une idée de la dimension de ces
oiseaux, je vous dirai que la distance mesurée de l’extrémité
d’une de leurs ailes à l’autre est six fois plus grande
que la plus longue de nos vergues. Au lieu de monter à cheval,
comme nous autres habitants de la terre, les gens de la lune montent
ces sortes d’oiseaux.
À
l’époque où nous arrivâmes, le roi de ce pays
était en guerre avec le soleil. Il m’offrit un brevet
d’officier ; mais je n’acceptai point l’honneur que me faisait
Sa Majesté.
Tout,
dans ce monde-là, est extraordinairement grand : une mouche
ordinaire, par exemple, est presque aussi grosse qu’un de nos
moutons. Les armes usuelles des habitants de la lune sont des
raiforts qu’ils manœuvrent comme des javelots, et qui tuent ceux
qui en sont atteints. Lorsque la saison des raiforts est passée,
ils emploient des tiges d’asperges. Pour boucliers, ils ont de
vastes champignons.
Je
vis en outre dans ce pays quelques naturels de Sirius venus là
pour affaires ; ils ont des têtes de bouledogue et les yeux
placés au bout du nez, ou plutôt à la partie
inférieure de cet appendice. Ils sont privés de
sourcils ; mais lorsqu’ils veulent dormir, ils se couvrent les yeux
avec leur langue ; leur taille moyenne est de vingt pieds ; celle des
habitants de la lune n’est jamais au-dessous de trente-six pieds.
Le nom que portent ces derniers est assez singulier ; il peut se
traduire par celui d’êtres vivants ; on les appelle ainsi
parce qu’ils préparent leurs mets sur le feu, tout comme
nous. Du reste, ils ne consacrent guère de temps à
leurs repas ; ils ont sur le côté gauche un petit
guichet qu’ils ouvrent et par lequel ils jettent la portion tout
entière dans l’estomac ; après quoi ils referment le
guichet et recommencent l’opération au bout d’un mois,
jour pour jour. Ils n’ont donc que douze repas par an, combinaison
que tout individu sobre doit trouver bien supérieure à
celles usitées chez nous.
Les
joies de l’amour sont complètement inconnues dans la lune ;
car, chez les êtres cuisants aussi bien que chez les autres
animaux, il n’existe qu’un seul et même sexe. Tout pousse
sur des arbres qui diffèrent à l’infini les uns des
autres, suivant les fruits qu’ils portent. Ceux qui produisent les
êtres cuisants ou hommes sont beaucoup plus beaux que les
autres ; ils ont de grandes branches droites et des feuilles couleur
de chair ; leur fruit consiste en noix à écorce très
dure, et longues d’au moins six pieds. Lorsqu’elles sont mûres,
ce qu’on reconnaît à leur couleur, on les cueille avec
un grand soin, et on les conserve aussi longtemps qu’on le juge
convenable. Quand on veut retirer le noyau, on les jette dans une
grande chaudière d’eau bouillante ; au bout de quelques
heures, l’écorce tombe, et il en sort une créature
vivante.
Avant
qu’ils viennent au monde, leur esprit a déjà reçu
une destination déterminée par la nature.
D’une
écorce sort un soldat, d’une autre un philosophe, d’une
troisième un théologien ; d’une
quatrième un jurisconsulte, d’une cinquième un
fermier, d’une sixième un paysan, et ainsi de suite, et
chacun se met aussitôt à pratiquer ce qu’il connaît
déjà théoriquement. La difficulté
consiste à juger avec certitude ce que contient l’écorce
; au moment où je me trouvais dans le pays, un savant lunaire
affirmait à grand bruit qu’il possédait ce secret.
Mais on ne fit pas attention à lui, et on le tint généralement
pour fou.
Lorsque les
gens de la lune deviennent vieux, ils ne meurent pas, mais ils se
dissolvent dans l’air et s’évanouissent en fumée.
Ils n’éprouvent
pas le besoin de boire, n’étant asservis à aucune
excrétion. Ils n’ont à chaque main qu’un seul doigt
avec lequel ils exécutent tout beaucoup mieux que nous ne le
faisons avec notre pouce et ses quatre aides.
Ils portent
leur tête sous le bras droit, et, lorsqu’ils vont en voyage
ou qu’ils sont à exécuter quelque travail qui exige
beaucoup de mouvement, ils la laissent habituellement à la
maison ; car ils peuvent lui demander conseil à n’importe
quelle distance.
Les hauts
personnages de la lune, lorsqu’ils veulent savoir ce que font les
gens du peuple, n’ont pas coutume d’aller les trouver ; ils
restent à la maison, c’est-à-dire que leur Corps
reste chez eux, et qu’ils envoient leur tête dans la rue pour
voir incognito ce qui s’y passe. Une fois les renseignements
recueillis, elle revient dès que le maître la rappelle.
Les pépins
de raisin lunaire ressemblent exactement à nos grêlons,
et je suis fermement convaincu que, lorsqu’une tempête
détache les grains de leur tige, les pépins tombent sur
notre terre et forment notre grêle. Je suis même porté
à croire que cette observation doit être connue depuis
longtemps de plus d’un marchand de vin ; du moins j’ai bien
souvent bu du vin qui m’a paru fait de grêlons, et dont le
goût rappelait celui du vin de la lune.
J’allais
oublier un détail des plus intéressants. Les habitants
de la lune se servent de leur ventre comme des gibecières ;
ils y fourrent tout ce dont ils ont besoin, l’ouvrent et le ferment
à volonté comme leur estomac, car ils ne sont pas
embarrassés d’entrailles, ni de cœur, ni de foie ; ils ne
portent non plus pas de vêtements, l’absence de sexe les
dispensant de pudeur.
Ils peuvent à
leur gré ôter et remettre leurs yeux, et, lorsqu’ils
les tiennent à la main, ils voient aussi bien que s’ils les
avaient sur la figure. Si, par hasard, ils en perdent ou en cassent
un, ils peuvent en louer ou en acheter un nouveau, qui leur fait le
même service que l’autre ; aussi rencontre-t-on dans la lune,
à chaque coin de rue, des gens qui vendent des yeux ; ils en
ont les assortiments les plus variés, car la mode change
souvent : tantôt ce sont les yeux bleus, tantôt les yeux
noirs, qui sont mieux portés.
Je conviens ;
messieurs, que tout cela doit vous paraître étrange ;
mais je prie ceux qui douteraient de ma sincérité de se
rendre eux-mêmes dans la lune, pour se convaincre que je suis
resté plus fidèle à la vérité
qu’aucun autre voyageur.
Gottfried August Bürger - Aventures et mésaventures du baron de MÜnchhausen- TraductionThéophile Gautier - Editions José Corti - 1998
William Hogarth - Credulity, Superstition and Fanaticism
Pièce présentée par Panizza devant le tribunal - 1895
LE DIABLE, après un moment de silence, s'adressant
ironiquement à Dieu le Père.
- Bon Dieu ! N'es-Tu pas le Créateur ? Serais-Tu ignorant ?
DIEU LE PERE, avec humeur.
- Nous... hm ! Nous ne créons plus ! Nous sommes fatigués
! Et d'ailleurs le domaine proprement terrestre de la sensualité
est de ton ressort. Donc, arrange-toi, souille les âmes si tu
veux, mais qu'elles puissent retrouver leur pureté !
JESUS, encore faible, veut
répéter ces dernières phrases, mais ne réussit
qu'à proférer. -
Souille – les – âmes...
LE DIABLE, à Dieu
le Père. - Exciter les
hommes à l'amour, dis-Tu, et en même temps les
empoisonner ?
DIEU LE PERE. - Evidemment ! Sinon
ils ne marcheront pas !
JESUS, qui a repris son
souffle. - La volupté les
rend aveugles, à ce que j'ai entendu dire.
MARIE. - Tiens ! On n'attrape pas
les mouches avec du vinaigre !
DIEU LE PERE. - Cherche un peu dans
tes chaudrons de sorcière ! Il n'y manque pas d'ingrédients
! Et dans ton enfer, tu en as stocké de toutes les couleurs !
Tu es passé maître dans ce genre de cuisine ! Touille,
mélange, crée, engendre-moi quelque chose !
MARIE. - De toute façon, il
faut que ce soit extrêmement alléchant – si possible,
quelque chose de féminin !
JESUS. - Oui, extrêmement
alléchant.
LE DIABLE, creusant une
idée. - Lubrique et
destructeur à la fois, dites-vous, en sommes ? Et que l'âme
ne soit pas définitivement détruite ?
TOUS LES TROIS, ensemble.
- Lubrique – destructeur – alléchant – vénéneux
– voluptueux – atroce - - qui brûle le cerveau et les
veines !
DIEU LE PERE. - Mais pas l'âme
! A cause de la contrition ! A cause du désespoir !
LE DIABLE, arrêtant
brusquement là ses réflexions.
- Attendez ! J'ai trouvé quelque chose ! Je vais en toucher
deux mots à Hérodiade !
(à mi-voix pour lui-même)
Lubrique et destructeur à la
fois !
(haut)
Je vous apporterai quelque chose !
MARIE. - Dieu soit loué !
Enfin !
LE DIABLE, faisant
demi-tour pour partir. - Je
crois que j'ai trouvé !
DIEU LE PERE. - Bravo ! Bravo !
MARIE. - Bravo ! Bravo !
JESUS. - Bravo ! Bravo !
TOUS LES TROIS, ils se
lèvent de leurs sièges, autant que faire se peut, et
joyeusement en frappant doucement dans leurs mains. -
Bravo, Diable, bravissimo !
LE DIABLE, il s'incline
encore une fois pour prendre congé et fait claquer ses doigts
en se retirant. - Je reviendrai
bientôt !
A 10 mètres du sol :
(ce que je grimpe bien, quand
c'est nécessaire !) Donc, à dix mètres
d'altitude, reprenant mon souffle, j'inspecte les parages :
La surface des roseaux
très étendue, peut-être 400 X 500 mètres
(et l'arbre sur lequel j'étais perché avait
certainement le même âge qu'eux). De longues lames de
sagaies de 10 pieds de haut, couverte d'un enduit jaune, se
dressaient immobiles et denses, véritable armée
végétale. (C'était l'endroit le moins élevé
de la région, point de ralliement des brouillards nocturnes et
des filets d'eau brunâtres. - Tout à fait à
droite, reconnaissable seulement à son toit vétuste :
la ferme Söder.)
Arno Schmidt - Scènes de la vie d'un faune
Traduction Jean-Claude Hémery et Martine Valette
Christian Bourgois éditeur - 1991
Quelque
soldat de la station-radio, sous le ciel germanique, sortait
peut-être le dimanche vers les croix solitaires : de la lande
de bruyère la draye menait à la forêt ; près
du jardin des morts, avec une fleur, son amie l'attendait peut-être.
Au-delà de tout sentier, au-delà de tout mal, sans
qu'elle soit couronnée de cyprès, repose, en sa lumière
opaque, immuable la mort*.
*
Les cyprès sont propres à nos climat, aux cimetières
de chez nous. Notre auteur part d'une vue concrète (un endroit
déterminé, un cimetière donné, sis entre
la brande et la forêt) et la dilate au point d'en faire un
paysage symbole des royaumes de la mort. " ... sa lumière
opaque... ", ambigu : lumière
germanique ; lumière des mondes morts.
Collines, difficilement prophétisantes, torturées, tordues par votre vérité et indication jusqu'ici pour un bref repas, pour un psssit à l'oreille. Maintenant : exérèse d'une bonne part pour le moins inutile ; puis nous verrons. Le torturant, le verbalisant des plus instables, ce qu'on vous tend, ou le courroucé et demi-tour, mais : protestation ou louange et - ainsi - "vous" appelle, en vous se stabilise Parler toscan, et ho-homme-me je sculpte, et Beauté avalisée.
Oh, seuls quelques regards ici alentour pour chacun, pour tout, qui apporterait son munuscule, sa goutte de don et d'oeillade. Et chacun a sa petite théodicée en lui ; ne pas rater le show, ni, par la suite, le show des petits outrages. Egalement : prophéties, mémoires, journaux muraux, monogrammes, plurigrammes partout, effleurant " ". Et les interférences de vies, à peine vi, çà et là évanouies, déficiences ou simples spécularités ou même déficiences de spécularités. Et, tout pareil, plaques sensibles, dossiers, enregistrements pour attester de-ci de-là du passage de la force de la grâce. "Grâce." Gratitude initiale - c'est cela qu'on veut comprendre et vous avouerez - ou le crime, l'outrance. Qu'entre la gloire. Les restes de la gloire.