vous en faites trop ! - Miguel De Cervantes



– Ô canailles ! s'écria alors Sancho. Ô enchanteurs funestes et malfaisants ! J'aimerais vous voir tous enfilés par les ouïes, comme des sardines sur leur brochette ! Vous savez beaucoup de choses, vous pouvez beaucoup, et vous en faites de trop ! Il ne vous suffisait pas, crapules, d'avoir changé les perles des yeux de ma dame en glands de chêne, ses cheveux d'or pur en crins de vache rousse, et finalement toute sa beauté en laideur, il fallait que vous touchiez aussi à son odeur ? Par elle, du moins, nous aurions pu deviner ce qui se cachait sous cette affreuse écorce. Quoique moi, à vrai dire, je n'aie jamais vu sa laideur, mais seulement sa beauté, que rehaussait encore une tache qu'elle avait sur la lèvre supérieure, un peu comme une moustache, plantée de sept ou huit poils blonds comme des fils d'or, et plus longs que mon doigt.
– D'après la correspondance qui existe entre les signes du visage et ceux du corps, Dulcinée ne peut manquer d'avoir une marque semblable sur le plat de la cuisse, du même côté. Mais tels que tu les décris, ces poils me semblent bien longs pour un grain de beauté.

Miguel De Cervantes
L'ingénieux Hidalgo Don Quichotte de la Manche
Tome 2 – 1615
traduction Aline Schulman
Points / Seuil - 1997





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