… cavaliers de hasard, cavaliers creux, cavaliers rustres,
cavaliers de crottin, cavaliers exténués, cavaliers canailles de
qui la vocation est l'industrie…
... nous tenons le soleil pour notre ennemi déclaré, parce qu'il
découvre nos raccommodages et nos déchirures, nous nous mettons, au
matin, jambes ouvertes devant ses rayons et nous suivons, sur notre
ombre, celle que font les haillons et effilochures de nos
entre-jambes. Avec des ciseaux, nous faisons la barbe à nos
chaussures. C'est toujours entre les jambes que les culottes
s'usent ; nous sommes obligés de tailler des languettes
par-derrière pour garnir le devant, et nous ne portons par-derrière
que de pacifiques entailles, car la doublure demeure. Le manteau seul
le sait. Nous nous gardons, d'ailleurs, de sortir les jours de vent,
de gravir un escalier éclairé ou de monter à cheval...
… Si nous nous sentons démanger devant des dames, nous avons des
artifices pour nous gratter en public sans être vus ; si c'est
à la cuisse, nous racontons que nous avons vu un soldat traversé de
part en part à cet endroit ; nous portons la main à la place
où cela nous démange, et nous nous grattons en feignant d'indiquer
la blessure. Si cela nous arrive à l'église et que ce soit la
poitrine qui nous démange, nous donnons le Sanctus,
quand même on n'en serait qu'à l'Introïbo.
Si c'est au dos, nous nous
levons, et, nous appuyant à un angle, nous nous haussons sur la
pointe des pieds comme pour voir quelque chose...
Francisco Gomez de Quevedo y
Villegas
Historia y Vida del gran Tacano o del Buscon –
1626
traduction J.-H. Rosny :
Pablo de Segovie
La Revue Blanche – 1902
in Alfred Jarry – Œuvres
Complètes
Gallimard
/ La Pléïade – 1988
Aucun commentaire :
Enregistrer un commentaire