Entre-temps s'en venait aussi les mésanges par vols, qui ramassant
les miettes que les écureuils avaient laissées tomber, allaient se
percher sur le plus prochain rameau, où, les plaçant sous leurs
griffes, elles les piochaient de leurs petits becs, comme s'il se fut
agi d'un insecte dans l'écorce, jusqu'à ce qu'ils fussent
suffisamment réduits pour la gracilité de leurs gorges. Un léger
vol de ces mésanges venait chaque jour picorer un dîner à même ma
pile de bois, ou les miettes à ma porte, avec de petits cris
timides, rapides et zézayants, un peu le tintement des glaçons dans
l'herbe, ou encore avec d'espiègles day, day, day,
ou plus rarement, dans les journées printanières, quelque effilé
phi-bi d'été parti
du côté du bois. Elles se montraient si familières qu'un beau jour
l'une d'elles s'abattit sur une brassée de bois que je rentrais et
se mit à becqueter les morceaux sans crainte. J'eus une fois un
pinson perché sur l'épaule durant un moment tandis que je bêchais
dans un jardin de village, et tirai de l'affaire plus d'honneur que
de n'importe quelle épaulette. Les écureuils eux-mêmes finirent
par se familiariser tout à fait, et ne se gênaient pas pour marcher
sur mon soulier si c'était le chemin le plus court.
Henry David Thoreau – Animaux
d'hiver
in Walden ou la vie dans les bois
- 1854
traduction Louis
Fabulet – 1922
L'imaginaire / Gallimard - 2013
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