traversée du Wolqayt - Michel Leiris



13 décembre 1932

Hier soir, beau clair de lune comme toujours. Vacarme de grillons et de grenouilles. Grands feux de bois illuminant les arbres. Des éclairs de chaleur puis le vent qui s'élève font craindre un moment une tornade. Il n'en est rien heureusement. Nous n'avons pas à regretter de ne pas avoir déplié nos tentes.

Je dors mal (je me suis couché trop tôt). Au matin, j'ai un fort rhume de cerveau.

La traversée du Wolqayt continue, pareille à ce qu'elle était précédemment. Nouveau changement d'escorte. Une bande de gens à pieds et à mulet débouchent sur la droite. Dans toute la plaine, la trompe sonne. C'est un certain fitaorari Molla, qui doit nous conduire jusqu'au Sétit. Il fait assez européen, possède une belle barbe noire et un petit boy giton au crâne tondu excepté les cheveux du pourtour, qui forment auréole.

Passage dans un champ de mashilla. Achkar et soldats (y compris les corrects métropolitains) font une ample moisson, selon l'habitude. Protestations inutiles d'une femme puis d'un homme chankalla, les propriétaires sans doute.

À l'étape Abba Jérôme nous apprend le dernier bruit qui court : le gouvernement tient à ce que nous soyons bien gardés ; on pense ici en effet que les Italiens voudraient nous faire assassiner pour avoir une raison d'envahir le pays…



Michel Leiris – nord-ouest de l'Éthiopie
in Miroir de l'Afrique
Quarto / Gallimard - 1995





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