X . le 29.12.16
Amie Jeannette,
– Je reviens d'une longue promenade à cheval – (pas drôle :
de l'eau jusqu'au ventre les trois-quarts de la route) – C'était
un peu pour aller jusqu'à A* chercher une correspondance possible –
Aussi je vais vous attraper un peu à cause que je n'ai pas trouvé
de lettre de vous – À moins que la Poste – ce bouddha
tout-puissant…
– Où est ma chambre d'A* – ?
– ici je suis maintenant
dans une chaumière écœurante d'odeurs et de crasse – Il règne
dans le réduit minuscule où je loge un parfum puissant de souris et
de lard rance – Et, aussitôt bougies éteintes, c'est un chahut
épouvantable d'animaux qui grouillent et de petites pattes griffues
sur les carreaux – Se battent-ils – tiennent-ils sabbat ? –
ou jouent-ils à des jeux de société – ?
– mais ce qu'il y a de
certain est que c'est fort inquiétant – C'est une vieille maison
qui tient un peu de celles des Histoires
– avec une multitude peu croyable d'enfants sculptés dans la
crasse
– Et il bout toujours sur
le feu des ragoûts innommables dans leur vieille graisse – Et le
relent qui monte de toute cette crasse ! –
et les chats qui rôdent et qui font craquer quelqu'os séculaire
sous le buffet ! Et le petit dernier qui bougeasse vaguement
dans un coin sombre, humide et larmoyant un peu !
J'ai
chaque soir l'appréhension de traverser cette mer d'excréments –
et l’inondation,
qui monte, risque d'entrer
dans la maison – ce qui est arrivé une fois – Cela lave un peu…
mais Dieu sait les horribles débris qui flottent !.
– Déjà deux mois que j'ai été
en permission – Cela a passé un peu plus vite que je ne croyais –
D'ici un mois je pourrais en espérer une – Je suppose que la tenue
australienne sera d'un gros effet sur la masse des populations
urbaines –
A part cela – m'entendant toujours
à peu près avec mes bonshommes – C'est affaire de manières
communes à prendre : parler toujours sans aucun enveloppement,
lentement et fort, en mâchant ses mots – Je ne suis tout de même
pas encore entièrement accoutumé à l'aimable « ...WHAT ? »
brutal qu'ils vous lancent quand ils ne vous entendent pas
– Enfin ils ne font pas trop
mauvais ménage avec les populations restées – et l'autre jour
j'ai été témoin – au mariage d'un Australien Néo-Zélandais
avec une petite d'A* -
– Et maintenant, peut-on vous
demander un petit mot quand vos « Business » ne vous
presseront pas trop ? –
– Le meilleur souvenir de
JACK
* Armentières
Jacques Vaché – lettre à Jeanne
Derrien
in soixante-dix-neuf lettres de
guerre
jeanmichelplace
- 1989
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