Silence. Au loin, dans les
communaux, le bruit d'un tracteur malingre. On avait le nez d'un
ornithorynque. Et le mur était patient comme seule peut l'être une
pierre ; de et vers la pierre. – Mais quelque chose n'allait
pas ! Mon visage se contracta : ? : Ah ! Là !
Tout doucement – on ne le
remarquait qu'au clignotement différent – le gros point brillant
tourna dans la serrure de la porte. Tourna : et disparut !
Or je suis toujours long à la
détente. En général je suis enfoncé jusqu'à la poitrine dans la
jungle des pensées et dois d'abord m'en extirper, me hisser sur la
paume des mains – : la clé était partie !
Je bondis ; clenchai et me
précipitait par la porte ; tête à droite : rien !
Tête à gauche : la porte d'entrée ne venait-elle pas de
retomber dans la serrure ?! Je fis trois pas (je mesure un mètre
quatre-vingt-cinq et j'ai de longues jambes!) – et vis disparaître
quelque chose de brun vis-à-vis dans le verger. Une main
surpuissante me donna un coup dans le dos : sus !
Chasse au brun : les
branches m'offrirent une leçon d'escrime dans les règles de l'art,
quarte, tierce, seconde latérale. Un soleil douteux tachait partout.
Traque dans les chemins des
labours. Après cent mètres nous étions arrivés au bord des
rochers, et mon brun se précipitait la tête la première dans les
noisetiers. Je dégringolai la paroi en roulé-boulé ; donnai
de la souplesse à mes articulations – mondieu, ça allait de plus
en plus vite ! – fus roulé dans le ruisselet, collé contre
le tronc d'un sapin ; et me rétablis bras écartés : un
glissement en contre-haut ; les buissons se mirent à taper
sauvagement autour d'eux ; je me ramassai et amortis de tout mon
corps le ballon brun ; au visage de fille, à la tête
sablonneuse : nous nous sommes tenus ainsi un moment. Le temps
de souffler.
Arno Schmidt – Échange de
clés
in Histoires – 1955/1959
traduction Claude Riehl
Tristram - 2000
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