Portrait de Vladimir Maïakovsky à 17 ans en 1910 |
Vous vous imaginez
les femmes de Paris
le cou couvert de perles
les mains,
de diamants…
Débarrassez-vous de cette image
la vie
est plus cruelle ;
ma Parisienne
à un autre apparence.
Je ne sais pas, à vrai dire,
si elle jeune
ou vieille,
jusqu’au jaunâtre
polie
dans cette goujaterie lustrée.
Elle
travaille
dans les toilettes d’un restaurant
un petit restaurant
la Grande Chaumière.
Après avoir bu du Bourgogne
on peut avoir envie
pour se soulager
d’aller faire un tour.
La tâche de mademoiselle
est de donner les serviettes
Elle est
dans ce travail
tout simplement artiste.
Pendant
que dans la glace
tu observes un petit bouton,
elle,
souriant,
de sa bouche gercée,
en rajoute sur la poudre,
asperge de parfum,
tend le papier toilette
et épongera une flaque.
Esclave de la gastronomie
loin du soleil
dans le puits des waters
toute la journée
comme une punaise,
pour cinquante centimes !
(Au cours du tchervonets
environ
quatre kopecks
par bonhomme).
Au lavabo
je me lave les mains
et respirant
les drôles d’odeurs
de la parfumerie
perplexe
à propos de cette demoiselle
Je veux dire
à Mademoiselle :
– Mademoiselle
votre aspect,
excusez-moi,
est pitoyable.
Détruire votre jeunesse pour des waters
ça ne vous fait pas mal au coeur ?
Ou bien
on m’a menti
sur les Parisiennes,
ou bien
Mademoiselle,
vous n’êtes pas parisienne.
Vous avez la mine
tuberculeuse
et fanée.
Des bas en laine,
pourquoi pas en soie ?
Pourquoi
ne vous envoient-ils pas
des violettes de Parme
ces « moussieux » reconnaissants
et au porte-monnaie rempli ?
Mademoiselle se taisait
le vacarme tombait
sur la salle
sur le plafond
et sur nous.
Faisant tourner
son joyeux carnaval
Montparnasse bourdonnait
tout rempli
de Parisiennes.
Excusez, s’il vous plaît,
ces vers affranchis
et la description
des flaques malodorantes,
mais
c’est très dur
à Paris
pour une femme,
si
la femme
ne se vend pas
mais travaille.
1929
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