... les méduses ne sont pas si bêtes ... - Patrik Ourednik




Rhistozoma pulmo



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Entre le premier janvier et l'ultime décembre 1999, avaient ainsi dégouliné de l'ancien monument du généralissime 3156000 secondes. Depuis la fin prétendue du siècle, il s'en était encore écoulé 111758400, chacune égale aux autres, toutes pareillement éberluées. Mais aujourd'hui, amis, nous pouvons parler du siècle passé sans parti pris, avec recul et tête froide, le généralissime ayant pris place aux côtés de Périclès et la bombe atomique ayant rejoint les bombardes assyriennes et les canons de bois de la bataille de Crécy au chapitre du développement des techniques de guerre. Non que les secondes du siècle nouveau s'écoulent plus intelligemment, à Dieu ne plaise, mais – ainsi pensait parfois Dyk avec espoir – peut-être sera-ce le dernier ? Il n'est tout de même pas pensable que cette expérience se prolonge à l'infini. Ancien auditeur de la faculté de sciences naturelles et connaisseur de la vie des carabes, Dyk avait conscience que la nature propose des alternatives. C'est peut-être le tour des fourmis. Ou des méduses. Ça ferait un drôle de raffut. Pour le moment rien ne le laissait penser, en dépit des cris des écologistes, de la fonte des glaciers et de la raréfaction des spermatozoïdes dans les organismes des espèces civilisées, mais cent ans, c'est long, à plus forte raison mille. Pour le moment rien ne le laissait penser, c'était toujours ce même vieux cloaque de guerres, de famines, de crétins meurtriers et de boutonneux sadiques, mais les méduses ne sont pas si bêtes qu'elles en ont l'air et leur désir de pouvoir est aussi acharné, il suffit de regarder comme elles avalent voluptueusement tout ce qui leur passe devant la gueule.

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Patrik Ourednik – Classé sans suite
Traduction Marianne Canavaggio
Éditions Allia - 2012

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