Notes de zoologie - Henri Michaux






… Là je vis aussi l'Auroch, la Parpue, la Darelette, l'Épigrue, la Cartive avec la tête en forme de poire, la Meige, l'Émeu avec du pus dans les oreilles, la Courtipliane avec sa démarche d'eunuque ; des Vampires, des Hypédruches à la queue noire, des Bourrasses à trois rangs de poches ventrales, des Chougnous en masse gélatineuse, des Peffils au bec en couteau ; le Cartuis avec son odeur de chocolat, des Daragues à plumes damasquinées, les Pourpiasses à l'anus vert et frémissant, les Baltrés à la peau de moire, les Babluites avec leurs poches d'eau, les Carcites avec leurs cristaux sur la gueule, les Jamettes au dos de scie et à la voix larmoyante, les Purlides chassieux et comme décomposés, avec leur venin à double jet, l'un en hauteur, l'autre vers le sol, les Cajax et les Bayabées, sortant rarement de leur vie parasitaire, les Paradrigues, si agiles, surnommés jets de pierre, les singes Rina, les singes Tirtis, les singes Macbelis, les singes « ro » s'attaquant à tout, sifflant par endroits plus aigu et tranchant que perroquets, barbrissant et ramoisant sur tout le paysage jusqu'à dominer le bruit de l'immense piétinement et le bruflement des gros pachydermes.

De larges avenues s'ouvraient tout à coup et la vue dévalait sur des foules d'échines et de croupes pour tomber sur des vides qui hurlaient à fond dans la bousculade universelle, sous les orteils de Bamanvus larges comme des tartes, sous les rapides pattes des crèles, qui, secs et nerveux, trottent, crottent, fouillent et pf… comme l'air.

On entendait en gong bas la bichuterie des Trèmes plates et basses comme des punaises, de la dimension d'une feuille de nénuphar, d'un vert olive ; elles faisaient dans la plaine, là où on pouvait les observer, comme une lente et merveilleuse circulation d'assiettes de couleur ; êtres mystérieux à tête semblable à celle de la sole, se basculant tout entiers pour manger, mangeurs de fourmis et autres raviots de cette taille.

Marchaient au milieu les grands Cowgas, échassiers au plumage nacré, si minces, tout en rotules, en vertèbres et en chapelet osseux, qui font résonner dans leur corps entier ce bruit de mastication et de salivation qui accompagne le manger chez le chien ou chez l'homme frustre.


Henri Michaux – La nuit remue
Poésie / Gallimard – 1987

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