Le sondable, le tamiser en mots ;
l'insondable, le tourner en dérision : un arbre se tordit dans
ce lieu désert ; ça lui retourna toutes les feuilles ;
des oiseaux noirs sortirent des branches et lancèrent des
invectives ; contre le ciel et ses jaillissements ininterrompus.
Elle allait à côté de moi, muette et euménide à souhait :
avec des pas d'hommes, bras obliques plantés dans les poches du
ciré, une fente casse-noisette dans son visage de cuir rouge happait
de temps à autre un amalgame de pluies et de larmes :
« Pocahontas - » ; elle se retourna lentement, et
intacte encore, pleura plus fort : - - son visage s'effondra
brusquement, en bourrelets, en angles rouges, en ellipses d'oreilles,
la planche à laver de son front – puis il se déchira de haut en
bas, avec un son corvidesque qui m'ébranla et j'appuyai le masque
tragique contre ma joue, le pressai, le berçai, les dents noires de
sa plainte vacillant toujours autour de nos têtes : « Chère
Pocahontas ! ». Un poteau indicateur se précipita vers
nous de tout son bois, et déploya, maquereau, trois bras fardés :
DAMNE, OSTERFEINE, HUNTERBURG : pour chacun d'entre-eux, la
pluie nous passa courtoisement une cordelette de soie grise. Ah, la
lourde houle de l'air ! Une barque de brume chaloupa
craintivement sous des arbres. Elle laissa choir ses mains avec ses
rudes larmes dans les eaux noires, sa voix traînait par terre ;
les épaules, on pouvait déjà les tirer vers soi, le visage pas
encore.
Paysage lacustre avec Pocahontas
Roses & Poireau – Arno Schmidt
Traduction Claude Riehl
MAURICE NADEAU - 1994
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