Aveux non avenus - Claude Cahun




Je sens comme si je les voyais, mes cuisses maigrir d'une sueur de fièvre, douche parfois brulante, parfois glacée, toujours inattendue. Mes genoux vidés, les os dissous, vêtu d'un parchemin lucide, se gonflent, flottante vessies de porc. Mon cœur alenti sonne un glas funèbre, puis bat bruyamment comme un tocsin. Il devient mobile, se promène dans mon ventre, y éclate en coliques profondes. À chaque secousse, une conscience tombe, pulvérisée. Peu à peu, je m'allège. Bref répit ! Mon cœur se gonfle outrageusement et s'emplit d'hydrogène. Gros ballon rouge et bleu, il monte au bout d'un fil.
À l'autre bout, c'est une guêpe enfermée, qui frappe à coups venimeux aux parois de ma poitrine. Si je l'aidais à sortir ? Et mes ongles sans hésiter pratiqueraient un jour qui guide l'échappée de ce cœur s'il ne faisait dehors désespérément noir.
Ô nocturne sans issue qui se joue dans les cercles de la nuit musicale, infernal serpent qui s'est décapité en avalant sa queue, bracelet aux sept chaînes hermétiques... 

Le ballon rouge et bleu est très fort : il me soulève de mon lit, fasciné. Je sens la fatigue d'une lévitation dont je serais le médium, et les affres d'un spectateur qui croirait au danger. Une sorte de jouissance vague me balance ; et - me rappelant l'abîme du sommeil, vertige souterrain qu'interrompt la secousse périodique, rude comme une chute - je répète obscurément :
J'aime encore mieux monter que descendre. Ca ira bien - jusqu'au plafond. 

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