Le Croisic. - Deux chaloupes voguent l'une vers l'autre, toutes voiles dehors. Le ciel blanc, la mer blanche, en plein soleil.
L'une est verte, toute pâle, avec sa coque pâle comme l'ivoire jauni ; sa grand'vergue d'un blond pâle semble un rayon de l'aurore. Elle plie, toute frêle, sous le fardeau trop lourd de ses mâts dorés ; inerte, elle obéit au souffle du vent qui la domine.
Tandis qu'lle s'éloigne du port, trop vite à mon gré, l'autre chaloupe s'en rapproche et je la distingue mieux. Elle est rousse, très sombre, avec ses filets bruns. Sa coque sombre, un peu ternie, décolorée par le soleil brûlant, est, au soleil, parsemées de points d'or. Sa grand'vergue d'un roux vif semble un rayon du couchant. Longue et mince, elle porte sans effort ses voiles étalées, elle se livre toute entière au souffle du vent qu'elle asservit à ses caprices.
Toutes voiles dehors, elles s'approchent l'une de l'autre, et, malgré l'immensité de la mer déserte, elles s'effleurent en passant ; leurs reflets dans l'eau calme qe confondent un instant, un instant elles ralentissent leur course, puis la brise les sépare et chacune reprend son reflet propre...
Mais mon oeil, séduit par cette vision trop brève, les unit sans les confondre.
Vues et Visions - Mercure de France - Mai 1914
Aucun commentaire :
Enregistrer un commentaire