Journal d'un chien - Oskar Panizza







Novembre

L'univers en gésine rugit comme un vortex. L'outre n'en veut plus et se révulse.
Les feuilles des arbres prennent une couleur jaune fromageux et tombent. Les arbres stupéfiés dans la déréliction brandissent vers le ciel des mains noires et glabres. L'air n'est rien plus qu'une poix lactescente en suspens dans le vide. Les volatiles vocifèrent. La lune n'a plus sa fraîcheur ni son éclat, et son mufle fouit la glu molle. Les rus et les rivières gargouillent sous une chape mate. Le soir dans les champs une épaisse vapeur macère en un saindoux verdâtre où la lune, un peu patraque, se vautre avec prédilection. Le bétail beugle pitoyable et désemparé tandis que les hommes eux-mêmes ont perdu de leur frénésie. Leurs lèvres sont pincées, parcheminées et intraitables. On ferme les portes et les volets. Le soir, le vent s'abat sur nous et charrie la terreur, la faim et la mort.
L'univers se prépare un caisson pour muer. Je subodore enivré une sciure létale.



Oskar Panizza - Journal d'un chien
Traduction Claude Riehl
Plasma – 1983

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