Après avoir eu foi dans toutes
les démocraties, dans toutes les dictatures et dans toutes les
sciences et après avoir été partout déçu, mon dernier espoir de
justice sociale s’était fixé sur les arts et les artistes. Vu
leur grand pouvoir sur les masses, je m’attendais à ce que
surgissent dans les lettres des géants révoltés qui tous, dans la
rue, se mettraient à la tête de la croisade contre notre
civilisation bestiale, démasquant toutes les hypocrisies :
démocratiques, dictatoriales, scientifiques, pacifistes ou
moralisantes.
On a rien vu de tel, comme tu
sais. L’art est une supercherie à l’égal de toutes les autres
prétendues valeurs. J’ai moi-même fait de l’art, et pas mal
réussi, je puis donc te le dire : encore une supercherie. Et
l’artiste est semblable à l’homme d’Église ; il prêche le
sublime, mais il entasse des louis tant qu’il peut, t’abandonne
dans la gueule du loup et se retire pour grignoter son magot,
parfaitement défendu par ces mêmes mitrailleuses qu’il te
demande, à toi, à toi seul, de détruire.
Voilà ce que sont les arts et
les artistes qui t’émeuvent. Des charlatans !
Aussi, quand, de leur retraite,
ils t’exhortent à adhérer à ceci ou à cela, en versant des
larmes sur ton sort, n’adhère plus à rien. Pas même à toutes
ces « patries internationales » qui sont à la mode en ce siècle.
Patrie ? À bas toutes les
patries, nationales ou internationales, avec leurs vieux ou leurs
nouveaux maîtres – à bas toutes les patries qui font toujours
tuer les uns pour faire vivre les autres. Refuse de crever pour qui
que ce soit. Croise les bras ! Sabote tout ! Demeure lourd de toute
ta masse. Dis à ces messieurs, quels qu’ils soient, d’aller,
eux, se faire tuer pour toutes ces patries qu’ils inventent chaque
siècle et qui se ressemblent toutes. Toi, homme nu, homme qui n’a
que tes pauvres bras et ta pauvre tête, refuse-toi à tout : à
leurs idées comme à leur technique ; à leurs arts comme à leur
révolte confortable.
Et si l’envie te prend de
crever quand même pour quelqu’un ou pour quelque chose, crève-toi
pour une putain, pour un chien d’ami ou pour ta paresse. Vive
l’homme qui n’adhère à rien !
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RépondreSupprimermerci pour le passage Tartiplume.
Supprimerkrrr.