traque - Arno Schmidt



Silence. Au loin, dans les communaux, le bruit d'un tracteur malingre. On avait le nez d'un ornithorynque. Et le mur était patient comme seule peut l'être une pierre ; de et vers la pierre. – Mais quelque chose n'allait pas ! Mon visage se contracta : ? : Ah ! Là !
Tout doucement – on ne le remarquait qu'au clignotement différent – le gros point brillant tourna dans la serrure de la porte. Tourna : et disparut !
Or je suis toujours long à la détente. En général je suis enfoncé jusqu'à la poitrine dans la jungle des pensées et dois d'abord m'en extirper, me hisser sur la paume des mains – : la clé était partie !
Je bondis ; clenchai et me précipitait par la porte ; tête à droite : rien ! Tête à gauche : la porte d'entrée ne venait-elle pas de retomber dans la serrure ?! Je fis trois pas (je mesure un mètre quatre-vingt-cinq et j'ai de longues jambes!) – et vis disparaître quelque chose de brun vis-à-vis dans le verger. Une main surpuissante me donna un coup dans le dos : sus !
Chasse au brun : les branches m'offrirent une leçon d'escrime dans les règles de l'art, quarte, tierce, seconde latérale. Un soleil douteux tachait partout.
Traque dans les chemins des labours. Après cent mètres nous étions arrivés au bord des rochers, et mon brun se précipitait la tête la première dans les noisetiers. Je dégringolai la paroi en roulé-boulé ; donnai de la souplesse à mes articulations – mondieu, ça allait de plus en plus vite ! – fus roulé dans le ruisselet, collé contre le tronc d'un sapin ; et me rétablis bras écartés : un glissement en contre-haut ; les buissons se mirent à taper sauvagement autour d'eux ; je me ramassai et amortis de tout mon corps le ballon brun ; au visage de fille, à la tête sablonneuse : nous nous sommes tenus ainsi un moment. Le temps de souffler.


Arno Schmidt – Échange de clés
in Histoires – 1955/1959
traduction Claude Riehl
Tristram - 2000





Aucun commentaire :

Enregistrer un commentaire