Le lampiste est le vrai coupable – Boris Vian



Un général sans soldat est-il dangereux ?
Un commissaire ou un préfet de police sans agent ?
Un pape sans cardinaux, sans archevêque et sans curés ?
Ceux-là j'en veux bien.
Les Anglais le savent : un roi sans pouvoir est merveilleusement inoffensif.
Mais un lampiste est une force agissante.
Cent lampistes sont un danger pour l'individu.
Cent mille lampistes suffisent à une guerre.
Cent millions de lampistes font le malheur de l'humanité.
Le directeur de la S.N.C.F. n'est pas en mesure de faire dérailler un train de par ses propres pouvoirs, il faudra pour y arriver qu'il se mue en aiguilleur – ou en lampiste – et qu'il fausse les signaux. Mais un aiguilleur ! Quel poste de choix.
Hitler tout seul ! Merveilleux spectacle.
Mais quatre-vingt-cinq millions de lampistes derrière lui, et finie la rigolade. Hitler est mort, les lampistes restent et tâchent de se faire passer pour inoffensifs – comme tous les lampistes du monde. Les lampistes entre eux se haïssent ; mais réunis, ils prennent le nom de peuple et deviennent invulnérables.
L'individualisation du peuple est la seule défense contre le lampiste. Le lampiste le sait bien. Tous amiraux dans la marine, finies les batailles navales.


Boris Vian – 1953
Textes et chansons
10/18 – Christian Bourgois





Aucun commentaire :

Enregistrer un commentaire