c'est poiscaille / c'est culcul - Charles Pennequin



psychrolutes marcidus



quand j'étais jeune mon surnom / c'était bouboule maintenant c'est poiscaille / parce que je m'appelle latruite ça fait rire tout le monde moi / ça me fait plus rire le premier qui rigole va comprendre sa douleur il va / se retrouver au fond de la marre / aux connards et j'irai pas le repêcher comme l'autre jour / au c.a.p. y en a un qui a essayé eh la truite / t'aurais pas vu schubert c'était un jeune supporte / pas les jeunes de maintenant toujours à se bousiller / les neurones sur des ordinateurs écrans plats les télés / écrans plats tu vas voir le bouboule du cotentin i va te faire une tête écran plat / avec les deux yeux dans les coins / comme la raie au beurre noir tu vas voir / la poiscaille de la manche il va te faire / une prise de catch viens tâter les biceps / de la truite surtout ne reproduisez pas ça chez vous nous / on est des professionnels on est des vedettes mais c'est / de la comédie tous artistes artistes / sans ego mais avec des abdos des montagnes / de muscles qui montent sur scène arrêtez / de raconter des bobards les jeunes c'est toujours / des trucs culculs ici vous pouvez pas raconter autre chose / que des trucs culculs les femmes aussi / c'est culcul les connaissances c'est culcul les flics / c'est culcul l'humanité c'est que du culcul même la terre entière la nature / le système solaire l'univers c'est total culcul toi et moi / c'est pas pour la vie c'est juste / pour le culcul


CharlesPennequin – Pamphlet contre la mort
P.O.L – 2012


Le bousin – Alfred Jarry / Émile Zola



à chaque jour sa fête suprême ou sa vacuation !
on consultera le calendrier du collège de pataphysique ici

L'ère Pataphysique commence le 8 septembre 1873, qui d'ores en avant prend la dénomination de 1er du mois Absolu An 1 E.P. (Ère ’Pataphysique).





Gervaise reprit lentement sa marche. Dans le brouillard d’ombre fumeuse qui tombait, les becs de gaz s’allumaient ; et ces longues avenues, peu à peu noyées et devenues noires, reparaissaient toutes braisillantes, s’allongeant encore et coupant la nuit, jusqu’aux ténèbres perdues de l’horizon. Un grand souffle passait, le quartier élargi enfonçait des cordons de petites flammes sous le ciel immense et sans lune. C’était l’heure, où, d’un à l’autre des boulevards, les marchands de vin, les bastringues, les bousingots, à la file, flambaient gaiement dans la rigolade des premières tournées et du premier chahut. La paie de grande quinzaine emplissait le trottoir d’une bousculade de gouapeurs tirant une brodée. Ça sentait dans l’air la noce, une sacrée noce, mais gentille encore, un commencement d’allumage, rien de plus. On s’empiffrait au fond des gargotes ; par toutes les vitres éclairées, on voyait des gens manger, la bouche pleine, riant sans même prendre la peine d’avaler. Chez les marchands de vin, des pochards s’installaient déjà, gueulant et gesticulant. Et un bruit de tonnerre de Dieu montait des voix glapissantes, des voix grasses, au milieu du continuel roulement des pieds sur le trottoir. "Dis donc ! viens-tu becqueter ?... Arrive, clampin ! je paie un canon de la bouteille... Tiens ! v'la Pauline ! ah bien ! non, on va rien se tordre !" Les portes battaient, lâchant des odeurs de vin et des bouffées de cornet à pistons. On faisait la queue devant l’Assommoir du père Colombe, allumé comme une cathédrale pour une grand-messe ; et, nom de Dieu ! on aurait dit une vraie cérémonie, car les bons zigs chantaient là-dedans avec des mines de chantres au lutrin, les joues enflées, le bedon arrondi. On célébrait la sainte-touche, quoi ! une sainte bien aimable, qui doit tenir la caisse au paradis. Seulement, à voir avec quel entrain ça débutait, les petits rentiers, promenant leurs épouses, répétaient en hochant la tête qu’il y aurait bigrement des hommes soûls dans Paris, cette nuit-là. Et la nuit était très sombre, morte et glacée, au-dessus de ce bousin, trouée uniquement par les lignes de feu des boulevards, aux quatre coins du ciel.


Émile Zola – L'Assommoir
Le livre de poche - 2000


Nature morte #1 / Michelle Rogers Pritzl







Je n'ai pas la gale - Alfred Jarry / Thomas Fersen



à chaque jour sa fête suprême ou sa vacuation !
on consultera le calendrier du collège de pataphysique ici

L'ère Pataphysique commence le 8 septembre 1873, qui d'ores en avant prend la dénomination de 1er du mois Absolu An 1 E.P. (Ère ’Pataphysique).




Son jardin donne des ronces
Son chien montre les dents
Ne réveillez pas l'eau qui pionce
Ou gare aux accidents
Elle fait rarement sa toilette
Elle est sans religion
Mais elle fait les meilleures galettes
De Lanmeur à Lannion

Cette fois je n'ai pas la peste
M'invite à tomber la veste
Cette fois je n'ai pas la gale
M'invite à descendre de ch'val

Son cerveau est un repère
De bandits, de scélérats
Les croque-morts y sont prospères
Les vautours y sont gras
Faut en avoir dans le ventre
Ou bien faire tapisserie
Quand elle me parle je rentre
Dans un trou de souris

Cette fois j'ai passé la douane
M'invite à m'chauffer la couenne
A la chaleur d'un bon feu
M'invite à d'mander c'que j'veux

Moi j'veux un baiser baveux
Et qu'on me dise que l'on m'aime
Que la brute sans cheveux
Me récite un poème
J'veux couler des jours heureux
Près du calorifère
Et boire ton café foireux
Dans une tasse en fer

Cette fois j'ai passé l'oral
M'invite à m'sécher les poils
Cette fois j'ai passé le test
M'invite à manger les restes

Cette fois je n'ai pas la fièvre
M'invite à manger du chèvre
Cette fois je n'ai pas la grippe
M'invite à tomber le slip

Son jardin donne des ronces
Et des fruits qui sont aigres
Elle me tâte et elle m'annonce
Qu'elle me trouve un peu maigre
Je vais pouvoir sans danger
Me donner à l'ogresse
Car si elle veut me manger
Faut d'abord qu'elle m'engraisse

Cette fois je n'ai pas la peste
M'invite à tomber la veste
Cette fois je n'ai pas la gale
M'invite à descendre de ch'val


Thomas Fersen - Je n'ai pas la gale


Slug - Raymond Queneau / Lucien Suel



hommage à la tenace limace à tête de chat de Lucien Suel





Limace pure et sans tache
dont la bave trace dans le dédale des bourraches
son espace tout en surface
limace vorace dont la fringale
ravage la salade automnale
limace âme sagace
semblable aux sargasses humaines
limace brave qui perpétue ta race
vivace malgré la haine du campagnard
limace trisyllabe limace méconnue
il faut te donner un peu d'affection
pour que tu continues paisiblement ton chemin
et que sur ta face s'efface la trace de ton angoisse
et celle de ta bave aussi
sur les soucis


Raymond Queneau – Battre la campagne
Poésie/Gallimard – 1989


Ça bougeait - Raymond Queneau



Raymond Queneau


 
Brusquement saute
une grenouille ? un arbre ? une montagne ?
simplement une colline ?
l'arbre bondit le ruisseau court
la route se déploie
le blé ondoie
les cailloux roulent ou s'envolent
les forêts font des cabrioles
les marais les étangs bouillonnent
un saule qui pleurait éclate
de rire et se dilate
la falaise se remue se gratte
et brusquement
l'homme paraît alors tout s'arrête

tout s'est immobilisé sauf
parfois un mouvement nerveux, involontaire
une branche qui tombe sur une tête
un rocher qui dévale une pente
ou bien simplement un tremblement de terre



Raymond Queneau – Battre la campagne
Poésie/Gallimard – 1989



- Ah Gudule ! - Alfred Jarry / Boris Vian



à chaque jour sa fête suprême ou sa vacuation !
on consultera le calendrier du collège de pataphysique ici

L'ère Pataphysique commence le 8 septembre 1873, qui d'ores en avant prend la dénomination de 1er du mois Absolu An 1 E.P. (Ère ’Pataphysique)





Autrefois pour faire sa cour
On parlait d'amour
Pour mieux prouver son ardeur
On offrait son cœur

Maintenant c'est plus pareil
Ça change, ça change
Pour séduire le cher ange
On lui glisse à l'oreille
- Ah, Gudule!

Viens m'embrasser
Et je te donnerai
Un frigidaire
Un joli scooter
Un atomixaire
Et du Dunlopillo
Une cuisinière
Avec un four en verre
Des tas de couverts
Et des pelle à gâteaux

Une tourniquette
Pour faire la vinaigrette
Un bel aérateur
Pour bouffer les odeurs

Des draps qui chauffent
Un pistolet à gaufres
Un avion pour deux
Et nous serons heureux

Autrefois, s'il arrivait
Que l'on se querelle
L'air lugubre on s'en allait
En laissant la vaisselle

Maintenant, que voulez-vous
La vie est si chère
On dit rentre chez ta mère
Et l'on se garde tout
- Ah, Gudule!


Excuse-toi
Ou je reprends tout ça
Mon frigidaire
Mon armoire à cuillères
Mon évier en fer
Et mon poêle à mazout
Mon cire-godasses
Mon repasse-limaces
Mon tabouret à glace
Et mon chasse-filous

La tourniquette
A faire la vinaigrette
Le ratatine-ordures
Et le coupe-friture

Et si la belle
Se montre encore cruelle
On la fiche dehors
Pour confier son sort

Au frigidaire
A l'efface-poussière
A la cuisinière
Au lit qu'est toujours fait
Au chauffe-savates
Au canon à patates
A l’éventre-tomates
A l'écorche-poulet

Mais très très vite
On reçoit la visite
D'une tendre petite
Qui vous offre son cœur

Alors on cède
Car il faut qu'on s'entraide
Et l'on vit comme ça
Jusqu'à la prochaine fois
Et l'on vit comme ça
Jusqu'à la prochaine fois






Boris Vian


La Complainte Du Progrès ("arts Ménagers")

 

ils vont nous construire un institut de physique nucléaire - Arno Schmidt





Retranscription - extraits de la vidéo Arno Schmidt, le cœur dans la tête


Au bord de la Darm, il fait 5 degrés au-dessous de 0. Un vent d'est glacial a blanchi les prairies. Les routes, des pistes de course, sont grises. De temps en temps une rafale y balaie une… Une quoi ? Est-ce une fille ? On n'en voit que le cube bien cimenté de son manteau.
De nouveau du raffut dans la Heinrich Strasse, à cause de ce qu'il y aurait encore à raconter mais qu'on n'a plus envie de raconter. À savoir qu'à Darmstadt, en plus du réacteur atomique, ils vont nous construire un institut de physique nucléaire. Bientôt je serais assez chargé de radio-activité pour pouvoir lire la nuit grâce à ma propre auréole. Toujours ça d'économisé !

Arno Schmidt
Version française Laurent Szabo & Nicole Taubes
 

Health, Happiness and Housing - Ava Seymour 1997



Bandy Candy

Betty and Nancy Gordon

G.I. Girls

State Highway 1

Valley of the Fruitcakes

Corsophine Queen

Dada Moon Dance

Day Care Walkabouts

Enema Nurse

Gas Mask Wedding

House at Cannons Creek

Minnie Dean

Welfare Mom

White Wedding, Invercargill

Tea Time



& je m'absinthe - Lucien Suel / Alfred Jarry


ABSINTHE : Poison extra-violent : un verre et vous êtes mort.
Les journalistes en boivent pendant qu’ils écrivent leurs articles.
A tué plus de soldats que les Bédouins.

Dictionnaire des idées reçues
Gustave Flaubert




Alfred Jarry chez Maître Blaviel, escrimeur à Laval - 1906



J’arri-ve, je m’escri-me et à la fin de l’envoi, je tou-che *     

& je m'absinthe     



* Lucien Suel / Alfred Jarry







Propos


Christian Hermy :
Je m'absinthe mais dites vous que c'est pour très longtemps car la roue a tourné !
mercredi 28 janvier 2015

Alfred Jarry :

Vous ai-je dit que Valette agite dans le Mercure qui va paraître des idées de théâtre en plein air, une ou deux fois par an, dans un bois ? D'ailleurs, je vous envoie ce Mercure. Il y aurait peut-être des choses étonnantes pour l’Œuvre et un public cycliste qu'on ferait payer jusqu'à la mort.

samedi 1er août 1896


 À suivre...

 

 

Envoyez la purée - Philippe Dorin / Anti-Pop Consortium



Anti-Pop Consortium - ping pong live



le roi :
Faut chanter !
Ç'até très bien de chanter.
Y avèrent le do, y avèrent le ré,
Y avèrent le mi, y avèrent le fa,
Y avèrent le sol,
Et ç'até moi qui donne le la.
Faut chanter !
Ç'até très bien de chanter.
Y avèrent aussi, y avèrent surtout,
Y avèrent le si, et voyez comme
Avec le si, les gens savèrent
Chanter très bien.

les musiciens :
Non non !

le roi :
Et si ça vous plait pas
Ç'até comme ça !


Le roi fait un signe en coulisse.


le roi :
Allez, les gars ! Envoyez la purée !





N°44 le mystérieux étranger - Mark Twain



Walerian Borowczyk / Chris Marker - les astronautes



C'était en 1490 – en hiver. L'Autriche était très loin du monde, et endormie ; en Autriche c'était encore le Moyen-Âge, et on pouvait penser qu'elle y resterait à jamais. D'aucuns la plaçaient même des siècles et des siècles en arrière et disaient que d'après l'horloge mentale et spirituelle, c'était encore l'Âge de la Foi en Autriche. Mais ils considéraient que c'était un compliment et pas une insulte, et c'était ainsi qu'on le comprenait, et nous en étions tous très fiers. Je m'en souviens très bien, bien que je n'aie été qu'un gamin ; et je me souviens, aussi, du plaisir que j'en avais.
Oui, l'Autriche était loin du monde, et endormie, et notre village était au centre de ce sommeil, car il était au centre de l'Autriche. Il somnolait paisiblement dans la profonde intimité d'une solitude vallonnée et boisée où les nouvelles du monde venaient à peine déranger ses rêves, et était infiniment satisfait.


[…]


Il disparut et me laissa consterné ; car je savais et j'avais compris que tout ce qu'il avait dit était vrai.

.fin.



Mark Twain – N°44 le mystérieux étranger
Traduction Bernard Hoepffner
souple Tristram – 2014


Le lac - Henri Michaux



Le grand bleu



Si près qu'ils s'approchent du lac, les hommes n'en deviennent pas pour ça grenouilles ou brochets.

Ils bâtissent leurs villas tout autour, se mettent à l'eau constamment, deviennent nudistes… N'importe. L'eau traîtresse et irrespirable à l'homme, fidèle et nourrissante aux poissons, continue à traiter les hommes en hommes et les poissons en poissons. Et jusqu'à présent aucun sportif ne peut se vanter d'avoir été traité différemment.


Henri Michaux – La nuit remue
Poésie/Gallimard


like an exorcism exercise - Mansfield.TYA / Alexander Gronsky








 
Fools – Mansfield.TYA


/ I told you we were fools /

/ Playing all the time in this room /

/ With the death shadows in our mind /

/ With the death shadows flying around

/ People talked about us /

/ They were saying that we lived in sin /

/ Trying to hide our own bodies /

/ Under our own thick skins /

/ But I told you we were fools /

/ Playing all day in this room /

/ With the death shadows and the knife /

/ (To) Stop the hunt, start the sacrifice /

/For sure we were fools /

/ To complain about life /

/ Poetry and verses / 
 

/ Like an exorcism exercise /








Notes de zoologie - Henri Michaux






… Là je vis aussi l'Auroch, la Parpue, la Darelette, l'Épigrue, la Cartive avec la tête en forme de poire, la Meige, l'Émeu avec du pus dans les oreilles, la Courtipliane avec sa démarche d'eunuque ; des Vampires, des Hypédruches à la queue noire, des Bourrasses à trois rangs de poches ventrales, des Chougnous en masse gélatineuse, des Peffils au bec en couteau ; le Cartuis avec son odeur de chocolat, des Daragues à plumes damasquinées, les Pourpiasses à l'anus vert et frémissant, les Baltrés à la peau de moire, les Babluites avec leurs poches d'eau, les Carcites avec leurs cristaux sur la gueule, les Jamettes au dos de scie et à la voix larmoyante, les Purlides chassieux et comme décomposés, avec leur venin à double jet, l'un en hauteur, l'autre vers le sol, les Cajax et les Bayabées, sortant rarement de leur vie parasitaire, les Paradrigues, si agiles, surnommés jets de pierre, les singes Rina, les singes Tirtis, les singes Macbelis, les singes « ro » s'attaquant à tout, sifflant par endroits plus aigu et tranchant que perroquets, barbrissant et ramoisant sur tout le paysage jusqu'à dominer le bruit de l'immense piétinement et le bruflement des gros pachydermes.

De larges avenues s'ouvraient tout à coup et la vue dévalait sur des foules d'échines et de croupes pour tomber sur des vides qui hurlaient à fond dans la bousculade universelle, sous les orteils de Bamanvus larges comme des tartes, sous les rapides pattes des crèles, qui, secs et nerveux, trottent, crottent, fouillent et pf… comme l'air.

On entendait en gong bas la bichuterie des Trèmes plates et basses comme des punaises, de la dimension d'une feuille de nénuphar, d'un vert olive ; elles faisaient dans la plaine, là où on pouvait les observer, comme une lente et merveilleuse circulation d'assiettes de couleur ; êtres mystérieux à tête semblable à celle de la sole, se basculant tout entiers pour manger, mangeurs de fourmis et autres raviots de cette taille.

Marchaient au milieu les grands Cowgas, échassiers au plumage nacré, si minces, tout en rotules, en vertèbres et en chapelet osseux, qui font résonner dans leur corps entier ce bruit de mastication et de salivation qui accompagne le manger chez le chien ou chez l'homme frustre.


Henri Michaux – La nuit remue
Poésie / Gallimard – 1987

Bad trip in Arkansas - Jørn Riel / Claude Pélieu / Kelly Pace / John Lomax


collages visuels & sonores





Nanok.

3 mois qu'il vadrouillait entre Menphis & Little Rock.
Pas un phoque, pas un renard à se mettre sous la dent.
Bien qu'encore gros comme 6 chiens de traîneau, Nanok était affamé...





 
& de chaleureux remerciements pour Lucien Suel