holy writ - Javier Jaén


Holy writ - Javier Jaén



         a douté de la confiance des oiseaux -
         tout le jour -
         & pourtant -

         vendredi 6 pédale 142
         bonsoir,





La chandelle romaine - James Joyce



Et Jacky Caffrey hurla regardez, il y en avait une autre et elle se pencha en arrière et ses jarretières étaient bleues assorties à cause de la transparence et tous ils voyaient et hurlaient regardez, regardez là, et elle se pencha encore plus pour voir le feu d'artifice et quelque chose d'étrange voletait dans l'air autour d'elle, une douce chose qui allait de ci de là, sombre. Et elle vit une longue chandelle romaine qui montait au-dessus des arbres haut, haut, et, dans le silence tendu, ils avaient le souffle coupé d'excitation à mesure que ça montait plus haut, toujours plus haut, et il lui fallait se laisser aller à la renverse encore et encore pour la suivre, haut, haut, presque hors de vue, et son visage se teintait d'une divine, d'une enchanteresse rougeur à force de se cambrer et lui pouvait voir d'autres choses d'elle, les culottes de batiste, la matière qui caresse la peau, c'était beaucoup mieux que l'autre parure, la verte, à quatre shillings onze, parce qu'elles étaient blanches et elle le laissait et elle voyait qu'il voyait et puis cela monta si haut qu'on le perdit de vue un instant et elle tremblait de tous ses membres à force de rester renversée à ce point qu'il avait vue bien au-dessus du genou là où personne n'avait jamais pas même à la balançoire ou quand on fait trempette et elle n'avait pas honte et lui non plus de regarder de cette façon inconvenante comme ça parce qu'il ne pouvait pas résister au spectacle de cette merveilleuse révélation à demi offerte comme ces danseuses de cabaret qui se comportent de façon si inconvenante devant les messieurs qui les regardent et il ne cessait de regarder, regarder. Elle aurait aimé lancer vers lui un cri étouffé, lui tendre ses fragiles bras de neige pour qu'il se précipite, sentir ses lèvres se poser sur son front pâle, pousser le cri d'amour de la jeune fille, un petit cri étranglé, surgi du fond des entrailles, ce cri qui a retenti à travers les âges. Et alors une fusée pulsa et splasha en spasmes de blancs flashes et Oh ! elle éclata la chandelle romaine et ce fut comme si elle soupirait : Oh ! et tout le monde cria Oh ! Oh ! de ravissement et il en jaillit en gerbe un flot de cheveux d'or qui filaient et ruisselaient et ah ! ils devenaient un arrosement d'étoiles verluisantes tombant avec des dorées, Oh ! si exquis ! Oh si doux, si bien, si doux !

Puis tout fondit comme rosée dans l'air gris : tout fut silence. Ah !





James Joyce – Nausicaa in Ulysse – 1922

traduction Patrick Drevet

Gallimard – 2004





burundanga - Burroughs / Pélieu



Stupide scopolamine : il partait alertant les odeurs – Une jeune cure de 30 ans Mister William – 3 heures avant j'amorçais la pluie., mais je vous ai déjà raconté., j'ai suivi les prix antibiotiques, une odeur de bouche bée et un petit supplémentaire vermoulu – Intramusculaire (comme après) dans un mur gris « Nembutal SVP », je vous l'ai dit : « Combien ? » – Une bouche molle lâcha l'adresse, dans un goître négatif, maintenant ils peuvent se présenter au cœur de mille et visiter les chiottes de l'Orphelinat – Craquements – J'ai relevé le compteur du rêveur – 


William S. Burroughs, Claude Pélieu-Washburn
Le métro blanc – 1973
traduction Mary Beach, Claude Pélieu-Washburn, Gérard-Georges Lemaire
in Le métro blanc et autres histoires
Titres / Christian Bourgois – 2010






traversée dans les toilettes - Dennis Lehane



Teddy débuta la traversée dans les toilettes, agenouillé devant la cuvette tandis que le moteur du ferry haletait et claquait, et que ses narines s'emplissaient des odeurs grasses du mazout et de la mer à la fin de l'été. Il n'expulsait rien d'autre que de petits filets d'eau, et pourtant sa gorge se contractait sans relâche, son estomac se rebellait au fond de son œsophage et l'air devant ses yeux grouillait de points noirs clignotants.
Son ultime spasme libéra une bulle d'oxygène emprisonné, et Teddy eut l'impression qu'elle lui emportait une partie de la poitrine lorsqu'elle explosa hors de sa bouche. Il se laissa choir sur le plancher métallique et s'essuya le visage avec son mouchoir en se disant que ce n'était vraiment pas une façon d'entamer un nouveau partenariat.


Dennis Lehane – Shutter Island
traduction Isabelle Maillet
Rivages – 2003





nature morte #28 - Hiromi Kakimoto



Le 28 Février 2015 est en réalité le Vendredi 6 Pédale 142
Vers Belges - fête suprême quarte






portrait of my wife - Yamamoto Kansuke





merci bien dur Gacougnol      



résurection matinale - Harrys


Harrys - résurection matinale
oil on canvas on wood panel 100 x 100





erreur ! C.-F. Ramuz



Ce fut Foilleron qui eut cette idée, et il y persista jusqu'au bout, quoi que Lude, son associé, pût lui dire.
Ce Foilleron, c'en était un qui parlait bien, et beaucoup, aimant les grands mots et les belles phrases :
- C'est basé, disait-il, sur la profondeur. Vous autres, vous vous imaginez peut-être que le fond du lac va à plat : erreur ! Il y a le mont, je te dis, et aussi raide est la pente qu'on voit, autant l'est celle qu'on ne voit pas. La ligne du mont que tu suis de l’œil , tu n'as qu'à la prolonger en idée. Alors… (il s'arrêtait, il se touchait le front du doigt, cela se passait dans un petit café qu'il y a sur la place du port, et, quand il fait beau on se tient sous une tonnelle de vigne vierge), alors tous mes calculs sont basés là-dessus. Je me suis dit : « Pourquoi est-ce que tout le monde se plaint de ne plus rien prendre ? » Tu me répondras : « C'est qu'il n'y a plus de poisson. » Et c'est bien, en effet, ce que tout le monde répond, mais on se trompe. J'ai réfléchi, vois-tu, plus que personne à la question ; il y a des nuits et des nuits que je ne dors pas, tant j'y réfléchis : à la fin des fins j'ai trouvé…
Il criait :
- Une chope !

Charles-Ferdinand Ramuz
Le gros poisson du lac – 1914
séquences - 1992





nature morte #27 - Schrenck-Notzing



Le 27 Février 2015 est en réalité le Jeudi 5 Pédale 142
St Ouducul, trouvère - fête suprême quarte



Schrenck-Notzing
Le médium Stanislawa P. avec un voile ectoplasmique
1923





l'usine à bruits - Oskar Panizza



Avril

Je suis retourné à l'usine à bruits où mon maître m'emmène chaque après-midi avec une régularité surprenante. La plupart des visiteurs s'y accroupissent le long des murs et sur des banquettes de velours où ils s'agglutinent les uns contre les autres. Ils se versent dedans le corps un si infect brouet noir qu'ils en ont la gueule fumante. Puis un monstrueux vacarme sort de leurs bouches. Des bordées de sons, des trilles, des entrechocs, des stridulations, des cris éclatent de toutes parts, accompagnés de grimaces, de hochements de tête, de torsion du cou, d'expectorations. Il y a tout lieu de croire qu'on expérimente ici les bruits de bouche qui plus tard joueront un si grand rôle dans la rue. Une vapeur bleue, artificiellement produite, emplit toute la fabrique de bruits et permet à chaque groupe de mener à bien son travail sans être vu par les tables voisines.

Je ne sais toujours pas si ces folles menées sont des expérimentations en vue d'une meilleure compréhension ou si ce sont des réjouissances. Dans le premier cas, les pauvres doivent avoir d'énormes difficultés et ce malgré la perfection de leurs instruments buccaux. Je ne peux qu'admirer d'ailleurs ce qui se passe aux autres tables, autour desquelles sont assis quelques montreurs de jambes. Chacun d'eux tient dans sa main des petits feuillets soigneusement découpés et recouverts de figures amusantes. Ils les jettent violemment sur la table tout en fixant leurs vis-à-vis avec des yeux exorbités et blancs. Cette besogne muette dure un certain temps. Puis un formidable trille déchire toutes les bouches : leur tâche est accomplie, il semblerait qu'ils soient parvenus à une entente.



Oskar Panizza - Journal d'un chien
Traduction Claude Riehl
Plasma – 1983



à ta santé imperbédueuse – Arthur Rimbaud



Stuttgart, 5 février 75.

Verlaine est arrivé ici l'autre jour, un chapelet aux pinces… Trois heures après on avait renié dieu et fait saigner les 98 plaies de N.S. Il est resté deux jours et demi, fort raisonnable et sur ma remonstration s'en est retourné à Paris, pour, de suite aller finir d'étudier là-bas dans l'île.

Je n'ai plus qu'une semaine de Wagner et je regrette cette argent payant de la haine, tout ce temps foutu à rien. Le 15 j'aurai Ein freundliches Zimmer n'importe où, et je fouaille la langue avec frénésie, tant et tant que j'aurai fini dans deux mois au plus.

Tout est assez inférieur ici – j'excèpe un : Riessling, dont j'en vite un ferre en vâce de gôdeaux gui l'onh fu naîdre, à ta santé imperbédueuse. Il soleille et gèle, c'est tannant.

(Après le 15, Poste restante Stuttgart.)

À toi.
Rimb.



Arthur Rimbaud – Lettre à Ernest Delahaye




tous des lèche-culs !




l'heure-de-vérité
toile-cirée
tolé-réalité



krrr.





un contact, un contact - James Joyce



Elle lève les bras et tente de nouer un voile noir autour de sa nuque. Elle ne peut pas, non, elle ne peut pas. Elle se recule vers moi sans un mot. Je lève les bras pour l'aider, les siens retombent. Je tiens les bords arachnéens de l'étoffe, et, les écartant pour les fixer, j'aperçois à travers la fente du voile noir son corps gracile gainé d'un déshabillé orange. Les rubans qui l'amarrent à ses épaules glissent et il s'affaisse lentement : un corps nu, gracile et doux, miroitant d'écailles argentées. Il glisse lentement le long des fesses minces d'argent poli et sur leur sillon, une ombre d'argent terni… Doigts mouvants, froids et calmes… Un contact, un contact.



James Joyce - Giacomo Joyce

Traduction Georgina Tacou

éditions multiple – 2013






nature morte #26 - Jan Saudek


Le 26 Février 2015 est en réalité le Mercredi 4 Pédale 142
St Michet, idéaliste - fête suprême quarte




... taisez-vous ... taisez-nous ...





J'embrassai aussi son ventre-mirabelles, concave. Nous tombions de chus en chotements ; nos mains : s'accouplaient ! Je dus d'abord forcer la clôture rouge des bras, écarter un à un ses doigts-branches, avant d'arriver à saisir au bout de mes lèvres la tige fine et courte de sa tomate, elle se mutina, en grandisme mouveté, puis je l'avalai entièrement, elle voulut se soulever en tendre sédition (mais ne le pouvait) ; ainsi elle ne cria qu'une seule fois, tout bas et avec volupté ; ensuite la puissante tenaille des cuisses pinça à nouveau. (Nous nous chevauchions à bride abattue : à travers d'hirsutes forêts enchantées, les doigts broutaient, des bras couleuvraient, des mains voletaient chenapans rouges, (des ongles creusaient des éraflures d'épines), des talons tambourinaient des signaux de pic sous des aigrettes d'orteils, des yeux se languissaient de désir dans toutes les traces de pied, des moules de velours rouge lèvraient au sol avec des effleurements d'ivoire d'où se chamarraient des alphabets, des chuchots suçaient, des jus perlaient, alternativement, haut et bas.)
 Paysage lacustre avec Pocahontas – Arno Schmidt
Traduction Claude Riehl 








Le secret de Sainte-Hélène - Henning Wagenbreth / Collège de pataphysique



Calendrier pataphysique                                                                    ____________________________________________________________________________

Le 25 Février 2015 est en réalité le
Mardi 3 Pédale 142
St Ellen, hile
fête suprême quarte
 
 
L'ère Pataphysique commence le 8 septembre 1873. 
 
 
 
 

 
 
Napoléon n’est pas mort. Napoléon a installé un arsenal sous l’île de Sainte-Hélène.
Il prépare la prochaine Guerre mondiale…
 
 
 traduction Jörg Stickan

Éditions Le nouvel Attila


nature morte #25 - Yamamoto Kansuke



Stapled Flesh/1949


Occupé !





Moi René Tardi prisonnier de guerre au Stalag IIB, mon retour en France – Casterman 2014

Ulysse – James Joyce – Traduction sous la direction de Jacques Aubert – Jacques Aubert, Michel Cusin, Pascal Bataillard, Patrick Drevet, Bernard Hœpffner, Tiphaine Samoyault, Sylvie Doizelet, Auguste Morel, Stuart Gilbert, Valery Larbaud – Gallimard 2004

Hiver sur les continents cernés – F.J. Ossang Archives Ossang, Volume 1, Revue - Cée 1977-1979 - éditions le Feu sacré

Journal du Blosne – Lucien Suel – Éditions Apogée – 2010

L'enregistré performances / improvisations / lectures – Christophe Tarkos – P.O.L – 2014

SchwarzWeißAufnahme – Fotografien von Arno un Alice Schmidt aus drei Jahrzehnten – Arno Schmidt Stiftung - 2009










un tour à vélo - collège de pataphysique / William S. Burroughs / Denton Welsh


Calendrier pataphysique                                                                    ____________________________________________________________________________

Le 24 Février 2015 est en réalité le
Lundi 2 Pédale 142
St André Marcueil, ascète cycliste
fête suprême quarte


L'ère Pataphysique commence le 8 septembre 1873. 





Denton Welch montre au lecteur la magie des choses ordinaires, car la plupart des expériences qu’il décrit sont banales : une promenade, un goûter, une pêche Melba, la pluie sur un fleuve, la visite chez un antiquaire, l’image sur une boîte à biscuits, un tour à vélo, des larmes d’adolescent...


préface de Soleils brillants de la jeunesse *
 William S. Burroughs - In youth is pleasure - 1945 
Viviane Hamy - 2008




* post-it sur la cafetière #3
merci à Romain Verger pour l'expresso

nature morte #24 - Marius Grozea





un mélange d'unités photos-textes - Arno Schmidt







Le point de départ pour le « calcul » de la première de ces nouvelles formes de prose fut ma réflexion sur le processus du « souvenir » : chaque fois que l'on se souvient d'un quelconque petit ensemble d'expériences, que ce soit « école primaire » ou « un voyage en été » - apparaissent alors en accéléré quelques images très claires (que j'appelle en raccourci : des « photos »), autour desquelles viennent se placer dans la suite du déroulement du « souvenir » des petits fragments explicatifs (des « textes ») : un tel mélange d'« unités photos-textes » est en somme le résultat final de toute tentative consciente de se souvenir.

[…]

Pour le nombre et la longueur des photos et des textes, comme pour leur texture rythmique et verbale, ce qui est déterminant, c'est :


Lignes de mouvements et tempo

des personnages dans l'espace !


Il y a bien sûr une différence fondamentale si, pour un lieu donné,


je dois

le traverser

rapidement


ou si


je peux

tourner autour

lentement.


Dans ce dernier cas on voit le lieu de tous les côtés sous des éclairages nombreux et de plus longues durée ; on « a » chaque fois automatiquement un tout autre « temps », un tout autre rapport avec les personnes rencontrées, avec le destin (ou comme vous voudrez l'appeler).

Par exemple il s'ensuit que dans le premier cas (le déplacement en ligne droite, nécessairement rapide, des « Émigrants ») un nombre de « photos » beaucoup plus grand sera nécessaire pour venir à bout de l'espace parcouru, qui est plus varié ; il s'ensuivra que les prises de vues devront être plus courtes, les phrases elles-mêmes plus hâtives que dans le deuxième des exemples choisis, le « Pocahontas », peint à la manière de Hobema.

Arno Schmidt – Calculs I

in Roses & Poireau

traduction Claude Riehl

Éditions Maurice Nadeau - 1994







le fantastique coureur – Alfred Jarry / collège de pataphysique / Henri Cornet


L'ère Pataphysique commence le 8 septembre 1873. 



Je n’avais pas rêvé pourtant : un coureur étrange précédait la locomotive mais il ne montait pas un corps-droit à caoutchoucs pleins ! mais il ne portait pas de bottines à élastiques ! mais sa bicyclette ne grinçait pas, sinon dans mes oreilles qui bourdonnaient ! Mais il n’avait pas cassé sa chaîne puisque sa bicyclette était une machine sans chaîne ! Les bouts d’une ceinture lâche et noire flottaient derrière lui et caressaient l’éperon de la locomotive ! C’était ce que j’avais pris pour un garde-boue et pour les pans d’une redingote ! Sa culotte courte était éclatée sur les cuisses par le gonflement de ses muscles extenseurs ! Sa bicyclette était un modèle de course dont je n’ai jamais vu le pareil, aux pneus microscopiques, au développement supérieur à celui de la quintuplette il l’actionnait en se jouant et en effet comme s’il eût pédalé à vide. L’homme était devant nous : je voyais sa nuque, houleuse de cheveux longs le cordon de son lorgnon — ou une boucle noire de sa chevelure — était rabattu en arrière par le vent de la course jusque sur ses épaules. Les muscles de ses mollets palpitaient comme deux cœurs d’albâtre.


Alfred Jarry – Le Surmâle
La course des dix mille milles



Henri Cornet- 8 août 1908



nature morte #23 - William Eggleston







Que les coyotes lui crachent au visage ! - Boris Vian


#brèves - #people - #casting
Emmanuel Macron pressenti comme p.d.g du Consortium National de l'Unification.


" Que les coyotes lui crachent au visage ! "
beugla Antioche, furieux.




Le préposé au pick-up arrêta l'appareil et cacha les disques sous le meuble.


Et six zazous, ayant retiré leur veste et relevé leurs manches au-dessus du coude, munis chacun d'une solide chaise de cuisine en hêtre massif, s'avancèrent, sur une seule ligne, vers le buffet. Au commandement du Major, les six chaises s'abattirent avec un bruit mat sur le premier rang des hommes en redingote qui n'avaient voulu voir en ces préparatifs rapides qu'un divertissement de la jeunesse.

Trois hommes tombèrent assommés. […]

Le second rang fut intégralement fauché […]

La déroute complète des redingotes ne fut qu'une question de minutes. […]

Les morts, peu nombreux, tinrent à l'aise dans la poubelle.


Le Major harangua ses vaillantes troupes.


- Mes amis ! Nous avons livré un dur combat. Nous l'avons gagné. Ainsi périssent les embesteurs. Mais pas de phrases ! À l'action. Nous ne pouvons pas rester ici, c'est trop chambardé. Rassemblez toutes les victuailles, et en route pour une surprise-party.



Boris Vian – Vercoquin et le plancton – 1947

L'imaginaire Gallimard – 2002

Je mangeais un bon lopin de sa langue – Bonaventure des Périers / Collège de pataphysique



L'ère Pataphysique commence le 8 septembre 1873. 



HYLACTOR. Comment ! tu sçais donc bien lire ! Où as tu apprins cela ?

PAMPHAGUS. Je te le diray après, mais escoute cecy premièrement. Tu doys entendre que quand ung chascun de nous faisoit ses effortz de le mordre, d'adventure je le mordy en la langue, laquelle il tiroit hors la bouche, si bien que j'en emportay une bonne pièce que j'avallay. Or dict le compte que cela fut cause de me faire parler ; il n'y a rien si vray, car aussi Diane le vouloit. Mais, pource que je n'ay point encores parlé devant les hommes, on cuyde que ce ne soit qu'une fable ; toutesfoys, si est-on tousjours après pour trouver les chiens qui mangerent de la langue d'Acteon cerf ; car le livre dict qu'il y en eust deux, dont j'en'suis l'ung.

HYLACTOR. Corbieu ! je suis donc l'autre, car j'ay souvenance que je mangeay ung bon loppin de sa langue ; mais je n'eusse jamais pensé que la parolle me fust venue cause de cela.
PAMPHAGUS. Je t'asseure, Hylactor, mon amy, qu'il en est ainsi que je le te dy, car je l'ay veu en escript.

HYLACTOR. Tu es bien heureux de te cognoistre ainsi aux livres, où l'on voit tant de bonnes choses. Que c'est un beau passe-temps. Je vouldroye que Diane m'eust faict la grace d'en sçavoir
autant que toy.

PAMPHAGUS. Et je vouldroye bien que je n'en sceusse ja tant, (...) dequoy sert cela à ung chien, ny le parler avec ? Un chien ne doibt autre chose sçavoir, sinon abayer aux estrangers, servir de garde à la maison, flatter les domestiques, aller à la chasse, courir le lievre et le prendre, ronger les os, lescber la vaisselle et suivre son maistre.

IHYLACTOR. Il est vray ; mais, toutesfoys, si faict-il bon sçavoir quelque chose davantage ; car on ne sçait où l'on se trouve. Comment, tu n'as donc point encore donné à entendre aux gens que tu sçais parler ?

PAMPHAGUS. Non.

HYLACTOR. Et pourquoy ?

PAMPHAGUS. Pour ce qu'il ne m'en chault ; car j'ayme mieulx me taire.


Bonaventure des Périers

Cymbalum mundi en françoys
contenant quatre dialogues poétiques,
fort antiques, joyeux et facétieux

Lyon - B. Bonnyn – 1538






L'IMPRIMEUR AU LECTEUR, SALUT.

Le Temps, glouton devorateur de l'humaine excellence, se rend souventes fois coustumier (tant nous est-il ennemy) de suffoquer la gloire naissante de plusieurs gentilz esprits ou ensevelir d'une ingrate oubliance les œuvres exquises d'iceux ; desquelles si la congnoissance nous estoit permise, ô Dieu tout bon, quel avancement aux bonnes lettres ! De ceste injure les siecles anciens, et noz jours mesmes, nous rendent espreuve plus que suffisante. Et vous ose bien persuader (amy Lecteur) que le semblable fust advenu de ce present volume, duquel demourions privez sans la diligence de quelque vertueux presonnage qui n'ha voulu souffrir ce tort nous estre faict, et la memoire de feu Bonaventure Des Periers, excellent poete, rester frustrée du los qu'elle merite. Or, l'ayant arraché de l'avare main de ce faucheur importun, je le vous presente avec telle eloquence que chacun congnoist ses autres labeurs estre jouez. D'une chose je m'asseure, que l'envieux pourra abbayer à l'encontre tant qu'il voudra ; mais y mordre, non.

Antoine Du Moulin – imprimeur
ou bien
Nicolas Denisot – éditeur
voire
Robert Granjon – graveur-fondeur