La rencontre - Claude Cahun




Le Croisic. - Deux chaloupes voguent l'une vers l'autre, toutes voiles dehors. Le ciel blanc, la mer blanche, en plein soleil.
L'une est verte, toute pâle, avec sa coque pâle comme l'ivoire jauni ; sa grand'vergue d'un blond pâle semble un rayon de l'aurore. Elle plie, toute frêle, sous le fardeau trop lourd de ses mâts dorés ; inerte, elle obéit au souffle du vent qui la domine.
Tandis qu'lle s'éloigne du port, trop vite à mon gré, l'autre chaloupe s'en rapproche et je la distingue mieux. Elle est rousse, très sombre, avec ses filets bruns. Sa coque sombre, un peu ternie, décolorée par le soleil brûlant, est, au soleil, parsemées de points d'or. Sa grand'vergue d'un roux vif semble un rayon du couchant. Longue et mince, elle porte sans effort ses voiles étalées, elle se livre toute entière au souffle du vent qu'elle asservit à ses caprices.
Toutes voiles dehors, elles s'approchent l'une de l'autre, et, malgré l'immensité de la mer déserte, elles s'effleurent en passant ; leurs reflets dans l'eau calme qe confondent un instant, un instant elles ralentissent leur course, puis la brise les sépare et chacune reprend son reflet propre...
Mais mon oeil, séduit par cette vision trop brève, les unit sans les confondre.

Vues et Visions - Mercure de France - Mai 1914

Engagez vous - Guillaume Siaudeau




Sa bagnole balafre la brume. Il évolue lentement. Dans le brouillard méthodiquement enfonce des clous avec ses yeux. Le paysage est un coussin d'argent que les voitures transpercent. Il y croise phares, silhouettes et formes. Mélange avec prudence la crème fouettée du ciel. C'est comme s'il devait se rendre au taf en traversant une guerre. Comme si les arbres agonisaient sur le côté et qu'il lui était impossible de s'arrêter. D'ordinaire il est plutôt du côté des déserteurs, mais ce matin sur la route du turbin la bataille est plaisante, et chaque mètre carré de velours blanc est un panneau "Engagez-vous"

Le Renard et la Méduse (http://lameduseetlerenard.blogspot.fr/2012/09/engagez-vous.html)



Photos : Millee Tibbs, Bob Burman
 

Hommage à Emile Zola - Louis-Ferdinand Céline




Les hommes sont des mystiques de la mort dont il faut se méfier.
En pensant à Zola, nous demeurons un peu gêné devant son oeuvre; il est trop près de nous encore pour que nous le jugions bien, je veux dire dans ses intentions. Il nous parle de choses qui nous sont familières… Il nous serait bien agréable qu’elles aient un peu changé. Qu’on nous permette un petit souvenir personnel. A l’Exposition de 1900, nous étions encore bien jeune, mais nous avons gardé le souvenir quand même bien vivace, que c’était une énorme brutalité. Des pieds surtout, des pieds partout et des poussières en nuages si épais qu’on pouvait les toucher. Des gens interminables défilant, pilonnant, écrasant l’Exposition, et puis ce trottoir roulant qui grinçait jusqu’à la galerie des machines, pleine, pour la première fois, de métaux en torture, de menaces colossales, de catastrophes en suspens. La vie moderne commençait.
Depuis, on n’a pas fait mieux. Depuis « L’Assommoir » non plus on n’a pas fait mieux. Les choses en sont restées là avec quelques variantes. Avait-il, Zola, travaillé trop bien pour ses successeurs ? Ou bien les nouveaux venus ont-ils eu peur du naturalisme ? Peut-être… Aujourd’hui, le naturalisme de Zola, avec les moyens que nous possédons pour nous renseigner, devient presque impossible. On ne sortirait pas de prison si on racontait la vie telle qu’on la sait, à commencer par la sienne. Je veux dire telle qu’on la comprend depuis une vingtaine d’années. Il fallait à Zola déjà quelque héroïsme pour montrer aux hommes de son temps quelques gais tableaux de la réalité. La réalité aujourd’hui ne serait permise à personne. À nous donc les symboles et les rêves ! Tous les transferts que la loi n’atteint pas, n’atteint pas encore. Car, enfin, c’est dans les symboles et les rêves que nous passons les neuf dixièmes de notre vie, puisque les neuf dixièmes de l’existence, c’est-à-dire du plaisir vivant, nous sont inconnus, ou interdits. Ils seront bien traqués aussi les rêves, un jour ou l’autre. C’est une dictature qui nous est due.
La position de l’homme au milieu de son fatras de lois, de coutumes, de désirs, d’instincts noués, refoulés est devenue si périlleuse, si artificielle, si arbitraire, si tragique et si grotesque en même temps, que jamais la littérature ne fut si facile à concevoir qu’à présent, mais aussi plus difficile à supporter. Nous sommes environnés de pays entiers d’abrutis anaphylactiques; le moindre choc les précipite dans les convulsions meurtrières à n’en plus finir. Nous voici parvenus au bout de vingt siècles de haute civilisation et, cependant, aucun régime ne résisterait à deux mois de vérité. Je veux dire la société marxiste aussi bien que nos sociétés bourgeoises et fascistes. L’homme ne peut persister, en effet, dans aucune de ces formes sociales, entièrement brutales, toutes masochistes, sans la violence d’un mensonge permanent et de plus en plus massif, répété, frénétique, « totalitaire » comme on l’intitule. Privées de cette contrainte, elles s’écrouleraient dans la pire anarchie, nos sociétés. Hitler n’est pas le dernier mot, nous verrons plus épileptique encore, ici, peut-être. Le naturalisme, dans ces conditions, qu’il le veuille ou non, devient politique. On l’abat. Heureux ceux que gouvernèrent le cheval de Caligula !
Les gueulements dictatoriaux vont partout à présent à la rencontre des hantés alimentaires innombrables, de la monotonie des tâches quotidiennes, de l’alcool, des myriades refoulées : tout cela plâtre dans un immense narcissisme sadico-masochiste toute issue de recherches, d’expériences et de sincérité sociale. On me parle beaucoup de jeunesse, le mal est plus profond que la jeunesse. Je ne vois en fait de jeunesse qu’une mobilisation d’ardeurs apéritives, sportives, automobiles, spectaculaires, mais rien de neuf. Les jeunes, pour les idées au moins, demeurent en grande majorité à la traîne des R.A.T. bavards, filoneux, homicides. À ce propos, pour demeurer équitables, notons que la jeunesse n’existe pas au sens romantique que nous prêtons encore à ce mot. Dès l’âge de dix ans, le destin de l’homme semble à peu près fixé dans ses ressorts émotifs tout au moins; après ce temps. nous n’existons plus que par d’insipides redites, de moins en moins sincères, de plus en plus théâtrales. Peut-être. après tout. les « civilisations » subissent-elles le même sort ? La nôtre semble bien coincée dans une incurable psychose guerrière. Nous ne vivons plus que pour ce genre de redites destructrices. Quand nous observons de quels préjugés rancis, de quelles fariboles pourries peut se repaître le fanatisme absolu de millions d’individus prétendus évolués, instruits dans les meilleures écoles d’Europe, nous sommes autorisés certes à nous demander si l’instinct de mort chez l’homme, dans ses sociétés, ne domine pas déjà définitivement l’instinct de vie. Allemands, Français, Chinois, Valaques. Dictatures ou pas. Rien que des prétextes à jouer à la mort. Je veux bien qu’on peut tout expliquer par les réactions malignes de défense du capitalisme ou l’extrême misère. Mais les choses ne sont pas si simples ni aussi pondérables. Ni la misère profonde ni l’accablement policier ne justifient ces ruées en masse vers les nationalismes extrêmes, agressifs, extatiques de pays entiers. On peut expliquer certes ainsi les choses aux fidèles, tout convaincus d’avance, les mêmes auxquels on expliquait il y a douze mois encore l’avènement imminent, infaillible du communisme en Allemagne. Mais le goût des guerres et des massacres ne saurait avoir pour origine essentielle l’appétit de conquête, de pouvoir et de bénéfices des classes dirigeantes. On a tout dit, exposé, dans ce dossier, sans dégoûter personne. Le sadisme unanime actuel procède avant tout d’un désir de néant profondément installé dans l’homme et surtout dans la masse des hommes, une sorte d’impatience amoureuse à peu près irrésistible, unanime pour la mort. Avec des coquetteries, bien sûr, mille dénégations : mais le tropisme est là, et d’ autant plus puissant qu’il est parfaitement secret et silencieux.
Or les gouvernements ont pris la longue habitude de leurs peuples sinistres, ils leur sont bien adaptés. Ils redoutent dans leur psychologie tout changement. Ils ne veulent connaître que le pantin, l’assassin sur commande, la victime sur mesure. Libéraux, Marxistes, Fascistes, ne sont d’ accord que sur un seul point : des soldats ! Et rien de plus et rien de moins. Ils ne sauraient que faire en vérité de peuples absolument pacifiques…
Si nos maîtres sont parvenus à cette tacite entente pratique. c’ est peut-être qu’après tout l’âme de l’homme s’est définitivement cristallisée sous cette forme suicidaire.
On peut obtenir tout d’un animal par la douceur et la raison, tandis que les grands enthousiasmes de masse, les frénésies durables des foules sont presque toujours stimulés, provoqués, entretenus par la bêtise et la brutalité. Zola n’avait point à envisager les mêmes problèmes sociaux dans son oeuvre, surtout présentés sous cette forme despotique. La foi scientifique, alors bien nouvelle, fit penser aux écrivains de son époque à une certaine foi sociale, à une raison d’être « optimiste ». Zola croyait à la vertu, il pensait à faire horreur au coupable, mais non à le désespérer. Nous savons aujourd’hui que la victime en redemande toujours du martyr, et davantage. Avons-nous encore, sans niaiserie, le droit de faire figurer dans nos écrits une Providence quelconque ? Il faudrait avoir la foi robuste. Tout devient plus tragique et plus irrémédiable à mesure qu’on pénètre davantage dans le destin de l’homme. Qu’on cesse de l’imaginer pour le vivre tel qu’il est réellement… On le découvre. On ne veut pas encore l’avouer. Si notre musique tourne au tragique, c’est qu’elle a ses raisons. Les mots d’aujourd’hui, comme notre musique, vont plus loin qu’au temps de Zola. Nous travaillons à présent par la sensibilité et non plus par l’ analyse, en somme « du dedans ». Nos mots vont jusqu’aux instincts et les touchent parfois, mais, en même temps, nous avons appris que là s’arrêtait, et pour toujours, notre pouvoir.
Notre Coupeau, à nous, ne boit plus tout à fait autant que le premier. Il a reçu de l’instruction… Il délire bien davantage. Son delirium est un bureau standard avec treize téléphones. Il donne des ordres au monde. Il n’aime pas les dames. Il est brave aussi. On le décore à tour de bras.
Dans le jeu de l’homme, l’instinct de mort, l’instinct silencieux, est décidément bien placé, peut-être, à côté de l’ égoïsme. Il tient la place du zéro dans la roulette. Le casino gagne toujours. La mort aussi. La loi des grands nombres travaille pour elle. C’est une loi sans défaut. Tout ce que nous entreprenons, d’une manière ou d’une autre, très tôt, vient buter contre elle et tourne à la haine, au sinistre, au ridicule. Il faudrait être doué d’une manière bien bizarre pour parler d’autre chose que de mort en des temps où sur terre, sur les eaux, dans les airs, au présent, dans l’avenir, il n’est question que de cela. Je sais qu’on peut encore aller danser musette au cimetière et parler d’amour aux abattoirs, l’auteur comique garde ses chances, mais c’est un pis aller.
Quand nous serons devenus normaux, tout à fait au sens où nos civilisations l’entendent et le désirent et bientôt l’exigeront, je crois que nous finirons par éclater tout à fait aussi de méchanceté. On ne nous aura laissé pour nous distraire que l’instinct de destruction. C’est lui qu’on cultive dès l’école et qu’ on entretient tout au long de ce qu’on intitule encore : La vie. Neuf lignes de crimes, une d’ennui. Nous périrons tous en choeur, avec plaisir en somme, dans un monde que nous aurons mis cinquante siècles à barbeler de contraintes et d’ angoisses.
Il n’est peut-être que temps, en somme, de rendre un suprême hommage à Émile Zola à la veille d’une immense déroute, une autre. Il n’est plus question de l’imiter ou de le suivre. Nous n’avons évidemment ni le don, ni la force, ni la foi qui créent les grands mouvements d’âme. Aurait-il de son côté la force de nous juger ? Nous avons appris sur les âmes, depuis qu’il est parti, de drôles de choses.
La rue des Hommes est à sens unique, la mort tient tous les cafés, c’ est la belote « au sang » qui nous attire et nous garde.
L’oeuvre de Zola ressemble pour nous, par certains côtés, à l’oeuvre de Pasteur si solide, si vivante encore, en deux ou trois points essentiels. Chez ces deux hommes, transposés, nous retrouvons la même technique méticuleuse de création, le même souci de probité expérimentale et surtout le même formidable pouvoir de démonstration, chez Zola devenu épique. Ce serait beaucoup trop pour notre époque. Il fallait beaucoup de libéralisme pour supporter l’affaire Dreyfus. Nous sommes loin de ces temps, malgré tout académiques
Selon certaines traditions, je devrais peut-être terminer mon petit travail sur un ton de bonne volonté, d’optimisme. Mais que pouvons-nous espérer du naturalisme dans les conditions où nous nous trouvons ? Tout et rien. Plutôt rien, car les conflits spirituels agacent de trop près la masse, de nos jours, pour être tolérés longtemps. Le doute est en train de disparaître de ce monde. On le tue en même temps que les hommes qui doutent. C’est plus sûr.
Quand j’entends seulement prononcer autour de moi le mot « Esprit » : je crache ! nous prévenait un dictateur récent et pour cela même adulé. On se demande ce qu’il peut faire, ce sous-gorille, quand on lui parle de « naturalisme » ?
Depuis Zola, le cauchemar qui entourait l’homme, non seulement s’est précisé, mais il est devenu officiel. A mesure que nos « Dieux » deviennent plus puissants, ils deviennent aussi plus féroces, plus jaloux et plus bêtes. Ils s’organisent. Que leur dire ? On ne se comprend plus. L’ École naturaliste aura fait tout son devoir, je crois, au moment où on l’interdira dans tous les pays du monde.
C’était son destin. 
   Discours de Médan, 1933

Holocauste - Catherine Ferrière Marzio

 
 
Les morts crispés
Tenus en longe maîtresse
De Nuit plus obscure que vins

Et l'enfant rieur par dessus.

Et l'ample respiration de tous
Suspendue à la clameur...

Ce ne fut que Vents.

Et nous sommes d'après.

Le tourbillon qui repose - Ghérasim Luca




Ce qui passe pour parfaitement immobile
pousse ce qui semble curieusement ambulatoire
à faire semblant d’être fixe sinon immuable

Ainsi ce qui a l’air de s’arrêter malgré tout
passe pour s’agiter follement autour

Ce qui bouge ou pas dans un coin obscur
de la pièce ou plutôt ce qui glisse
entre les pas de ce qui bouge
ou repose au beau milieu d’un tourbillon
et surtout le mobile qui a l’air
de foncer par petits bonds immobiles
au-dessus
font semblant d’être parfaitement
ce qui a l’air d’être
curieusement ambulatoire
et avec ce qui fait semblant de passer
pour ce qui fait semblant d’être
fixe sinon immuable
poussent ce qui est parfaitement immobile
à se faire passer pour
ce qui pousse à faire semblant
de passer pour curieusement ambulatoire
de passer du parfaitement immobile

à ce qui a parfaitement l’air d’être
ce qui passe
ou plutôt à ce qui pousse
ce qui a l’air d’être ce qui passe
à dépasser parfaitement ce qui passe
à dépasser même ce qui dépasse ce qui passe
et tout en faisant semblant d’être
curieusement dépassé par ce qui passe
à pousser tout
tout ce qui passe ou pas
à avoir l’air d’être parfaitement dépassé
de n’être que dépassé
de naître fixe et dépassé dans un coin

Non
pas ce qui fait semblant de naître
curieusement dépassé
mais chaque être qui bouge dans un coin
chaque coin qui bouge dans un être
non pas ce qui fait semblant
de bouger dans la pièce

mais chaque bougie en chacun
chaque coin qui bouge en chacun
fait semblant de nous glisser entre les pas
passe pour glisser entre les pas
de chacun
non pas de glisser en chacun
mais ce qui parfaitement immobile
fait semblant de faire curieusement
dans la pièce
un pas obscur dans chaque coin
- chaque pas parfaitement immobile
en chacun -
passe pour être le tourbillon
qui glisse
dans chaque coin de la pièce

une bougie que chacun fait semblant
de fixer
Ainsi ce qui a l’air obscur dans un coin
fait semblant de glisser follement en chacun
le tourbillon qui repose
au beau milieu du malgré tout
qui à son tour fixe sinon immuable
en chacun
ou plutôt curieusement ambulatoire
dans un coin
bouge dans la pièce qui a l’air de s’arrêter
malgré tout

ou fait semblant de s’agiter
parfaitement immuable dans un coin
puis
par petits bonds
glisse une bougie autour d’un mobile
qui a l’air de passer
pour ce qui repose
au beau milieu d’un puits
ou de son tourbillon parfaitement obscur
qui fait semblant de s’arrêter
dans chaque être qui bouge
ce qui passe pour être parfaitement
obscur malgré tout

pas du tout curieusement fixe
et plutôt follement autour
de ce qui bouge entre les pas
mais qui surtout y repose
ce qui agite follement le surtout
surtout le surtout-pas du mobile
qui au beau milieu d’un parfait repos
en tourbillon
fonce dans la pièce
et passe pour bouger parfaitement autour
de ce que chacun glisse en chacun

au beau milieu de ce qui s’arrête malgré tout
au-dessus

La violence et l'ennui - Léo Ferré




Nous d'une autre trempée et d'une singulière extase
Nous de l'Épique et de la Déraison
Nous des fausses années Nous des filles barrées
Nous de l'autre côté de la terre et des phrases
Nous des marges Nous des routes Nous des bordels intelligents

O ma soeur la Violence nous sommes tes enfants

Les pavés se retournent et poussent en dedans

J'ai l'impression démocratique qui me fait des rougeurs

A l'extrême côté du coeur et des entrailles
J'entends par là mes tripes à la mode de Mai

JE VOUS COMMANDE D'ÊTRE BREFS ET COUILLOSIFS


J'ai le sentiment bref de ceux qui vont mourir

Et je ne meurs jamais à moins que à moins que
Je sais des assassins qui n'ont pas de victime
Qui s'en vont faire la queue pour voir le sang d'écran
Et cette pellicule objective qui pellicule sur le vif

Surtout ne pleure pas

Les larmes c'est le vin des couillons

Moi je ne pleure plus

Et je le dis bien haut bien tendre aussi et bien à l'aise;
Crevez-leur le paquet qu'ils portent sur leurs quilles!
Marx était un "hippie"
C'est pas comme en dix-sept, à la consigne,
Dans cette Russie rouge à la lénifaction

... Et personne jamais n'a été réclamer ce barbu stalingradé...

Quand je vois un stalinien je change à Stalingrad
Je sais des assassins qui ont le cran d'arrêt
Et qui sont beaux comme les cons qui vont voter
Des assassins assassinés et leurs manières
A ne jamais vouloir crever comme crevèrent les Communards
Mes frères

Et je le dis bien haut: il faut DÉCONSTITUTIONALISER le foutre

Et porter l'inconfort cousu dessous leur peau
A ces bourgeois qui se permettent de jouir, en outre!

JE VOUS COMMANDE D'ÊTRE BREFS ET CARTÉSIENS


Je sais des charmes bruns qui sont de sang caillé

Et qui se grattent comme on gratte une blessure
Ça vous ravive un peu de rouge, ça a l'allure
D'une légion d'honneur que l'on pardonnerait.

Ô ma soeur la Violence Ô ma soeur lassitude

Ô vous jeunes et beaux empêtrés dans vos livres
II faut faire l'amour comme on va à l'étude
Et puis descendre dans la rue
II faut faire l'amour comme on commet un crime

Ô ma soeur la Violence tes enfants s'analysent

Et du Guatemala s'en viennent des parfums
De sang et des Guatémaltèques allant s'analysant
Dans les ruisseaux de sang coulant comme la crème
La crème de la Révolution montant

Ô ma soeur la Violence Ô la fleur du boucan

II fait un bruit à rancarder tous les voyeurs
Et un bruit qui se voit ça vous a des couleurs
A vous barrer la vue pour des temps et des temps
Je sais des bises s'ennordant depuis l'Afrique
Le monde est court, la gosse, il faut tâter la trique
Dans le pieu, dans la rue, mais tâter de cet ordre
De cet ordre nouveau où germe le désordre
Le beau désordre des voyous au ventre lisse
Viens par ici la gosse un peu, que je t'en glisse...
De ma graine d'amour...
Qui gonflera dans toi comme un chagrin de carne
Sur le monde envahi de tant de muselières
Dans le Paris des chiens je vais l'âme légère
Ô ma soeur la Violence Ô ma soeur lassitude
Ô vous jeunes et beaux empêtrés dans vos charmes
II faut faire l'amour comme on va à l'étude
Les yeux vers les jardins où fleurissent les armes

Des armes, comme une esthétique de la solitude

Des armes, comme une sinistre compo d'angliche
WHAT DO YOU MEAN, GUN?

Je sens que nous arrivent

Des trains pleins de brownings, de berretas et de fleurs noires
Et des fleuristes préparant des bains de sang
Pour actualités colortélé
Le sang ça s'ampexe tout ce qui y'a de bien

Le sang c'est rentable dans la technicoloration

Et je te ferai voir un sang vert quand il sera question de questionner

Je sais des fleurs d'amour qui polennent les blés

Et qui vous font un pain que l'on mange à genoux
Un pain de chair vivante et que l'on aimerait
Comme on aime une enfant que cache ses atouts
Et qui les touche un peu comme on caresse une arme
Un doigt sur la gâchette et le reste aux abois
Et que s'irise alors ta violette de Parme
Enfant mauve de mon silence et de ma loi

Des armes, comme une esthétique du pain sur la planche

Des armes blanches comme l'aube blanche à Paris
Cette aube comme le foutre de l'absence

NOUS SOMMES ABSENTS, MESSIEURS!


L'amour toujours l'amour Ah! cet amour malade

Comme une drogue dont on ne peut se dédroguer
Comme une drogue à laquelle je me soumets
Je suis un trafiquant d'amour...

Des armes, comme un sourire de l'autre côté de la tête

Comme une façon de désarmer
Comme un chien qui vous aime
Des armes qui vous lèchent, qui vous sortent, qui vous bercent
Des armes pour inquiéter l'inquiétude
Et puis le Code de la peur à distribuer
A tous ceux qui habitent avec la peur ou que la peur habite
Art. l J'ai peur
Art. 2 J'ai peur
Art. 3 J'ai peur
Art. 4 Où sont les toilettes?

Des armes, comme une esthétique de la solitude

Quand on est seul et armé on n'est plus seul
Quand on est seul et désarmé on fait une demande pour être CRS

L'amour toujours l'amour Ah cet amour serein

Cet amour qui vous monte à la bouche comme une grenade
Qu'on ferait bien éclater dans quelque ventre passant
Dans quelque ventre curieux, oisif, en mal d'amour

Des armes, comme un planning de la résurrection

Et quant aux armes blanches, on pourrait les teinter de rouge
Dans une teinture particulière et à la portée de toute portée

Nous d'une autre trempée et d'une singulière extase

Nous de l'Épique et de la Déraison
Nous de l'autre côté de la terre et des phrases
O ma soeur la Violence O ma soeur de Raison

Au quartier des terreurs des enfants se sont mis

A brouter des étoiles
La Voie Lactée s'amidonnait dedans leurs toiles
Et la carte du ciel dans ce quartier de France
Indiquait aux passants la route à ne pas suivre
II brumait dans le ciel des paroles de givre
C'était d'un cinéma nouveau et d'une danse
Qu'on ne dansait plus avant longtemps. Nanterre
Se prenait pour Paris et le tour de la terre
Se faisait sur lin signe, une pensée de fièvre
Un désir de troubler les fleurs et les manières
Une particulière oraison, un. sourire,
À mettre les pavés à hauteur d'un empire

Le sable des pavés n'a pas la mer à boire

Ça sent la marée calme dans les amphis troublés

Des portés de secours sont ouvertes là-bas

II suffit de pousser un peu plus, rien qu'un geste...

Ceux qui réussissent - Pierre Tilman

 
Teddy Roosevelt
 
Ceux qui réussissent
ceux qui ont le pouvoir
qui ont l'argent
ceux qui ont tout
tout pour eux
la bonne conscience
la bonne santé
la bonne nourriture
les bons coiffeurs
les bons vêtements
ceux qui ont tout
tout pour eux
la bonne politique
la majorité aux élections
les juges dans leur poche
et les médecins de la clinique privée
tant pis pour eux
ils ont tout
tout pour eux
tant pis pour eux
ils l'ont bien cherché
ne comptez pas sur moi pour les plaindre

Perdition - Aimé Césaire


nous frapperons l'air neuf de nos têtes cuirassées
nous frapperons le soleil de nos paumes grandes ouvertes
nous frapperons le sol du pied nu de nos voix
les fleurs mâles dormiront aux criques des miroirs
et l'armure même des trilobites
s'abaissera dans le demi-jour de toujours
sur des gorges tendres gonflées de mines de lait
et ne franchirons-nous pas le porche
le porche des perditions?
un vigoureux chemin aux veineuses jaunissures
tiède
où bondissent les buffles des colères insoumises
court
avalant la bride des tornades mûres
aux balisiers sonnants des riches crépuscules

 
Les armes miraculeuses, Paris, Poésie Gallimard.  

Les noms - Christophe Tarkos

Les noms sont hantants, me hantent. Ils sont utilisés, ils n’entrent dans aucune généralité, ils ne servent pas une cause, ils ne veulent pas se plier à une règle simple, générale, commune, ils ne veulent pas se décomposer et s’allonger s’assouplir et se modifier et tourner et faire en sorte qu’ils servent à plusieurs occasions différentes et variées. Je dois ranger tous ces noms qui me hantent. Je ne sais pas à quoi ils servent, je m’en sers, ils sortent instinctivement sans avertir, ils proviennent d’un fond où ils ne trouvent pas le sommeil, où ils continuent à bouger, à tourner en essayant de s’agglomérer à des termes usuels, utilisables, à des phrases, à des morceaux de phrases, ils ne veulent pas rester seuls en eux-mêmes, dépourvus de toute attache, il faudrait que je les attache, qu’ils ne viennent plus d’eux-mêmes se glisser dans les phrases au beau milieu des phrases que je suis en train de prononcer mêlés à des mots normaux, bien glissés, bien à l’intérieur des mots normaux comme s’ils venaient de la même profondeur, je ne peux pas faire une phrase sans que ces noms indéclinés viennent se glisser comme si de rien n’était, dans le flot continu des paroles, comme s’ils avaient le droit de venir dans ma bouche comme tous les autres mots qui en ont le droit parce qu’ils sont mots communs, mots de tout le monde, mots qui se découvrent, qui n’existent pas, qui se changent, qui e déclinent. Je ne veux pas les enregistrer là où tous les mots qui n’existent pas sont enregistrés, je ne veux pas qu’ils aient une puissance autre, un effet serein, une certitude, comme si tout ce que je disais ne servait qu’à mettre en relief des noms.

Anachronismes, P.O.L., 2001.

La poésie est la pensée humaine - Christophe Tarkos

La poésie est la pensée humaine.

Le poète est intelligent. Il prépare la pensée difficile.
La pensée est engoncée, dure et pâteuse, le poète la masse, l’amollit, la réchauffe. Il entraîne l’intelligence à sortir de son engourdissement, il entraîne sa tête, les membres de sa cervelle, sa nuque et ses dix doigts à sortir. Il veut se désincruster. Il décortique la bouche et rogne le bras droit de son maître. Il s’entraîne à bouger la tête à l’intérieur de la pensée.

Le poète prépare sa pensée.

L’intelligence ne sort pas d’elle-même. Il masse le crâne, il entraîne sa vision de voir au-delà de ce qui, tari, se colle, séché, dans les plis de la pensée, il déchire son ventre. Il ne se lance pas sans préparation, le poète est intelligent, le poète va entrer dans la pensée difficile. Le poète, mouvant, se déplace dans l’espace, il s’entraîne d’être, pensant, il se pare à translater les images.

Le poète se prépare pour penser.

Il se laisse tomber dans les escaliers, il laisser tomber un filet de sable, un filet de riz fin, un filet de poudre de biscottes écrasées à la masse, il tombe de haut, il laisse échappe les kilos des sacs, il tombe des chaises, tombe des tables, tombe des arbres, il s’abandonne à tomber. La poésie est l’intelligence même, en train de naître.

Le poète crie

Little Man - Thomas Vinau


Nous sommes des êtres minuscules dans des forêts en feu
nous sommes des rêves sur le carreau
nous sommes des danses d'aubes jaunies et nos chemises trop grandes nous tombent sur les bras
nous sommes des assassins
nous sommes des orphelins
des espoirs d'alcooliques
des lièvres épuisés
des petits renoncements
nous sommes des bêtes blessées
et seules les bêtes blessées connaissent la tendresse

( en écoutant Little Man de Tom Waits )

Dialectique du clos et du fermé - Serge Pey





Faire venir au jour crû. - Louis Ferdinand Céline







Je ne crée rien à vrai dire - Je nettoie une sorte de médaille cachée, une statue enfouie dans la glaise - Tout existe déjà c'est mon impression - Lorsque tout est bien nettoyé, propre, net - alors le livre est fini. Le ménage est fait - On sculpte, il faut seulement nettoyer, déblayer autour - faire venir au jour crû - avoir la force c'est une question de force - forcer le rêve dans la réalité - une question ménagère - De soi, de ses propres plans il ne vient que des bêtises - Tout est fait hors de soi - dans les ondes je pense - Aucune vanité en tout ceci - C'est un labeur bien ouvrier - ouvrier dans les ondes.

Lettres à Milton Hindus, Gallimard

O Bouteille - François Rabelais







Les humeurs - Catherine Ferrière Marzio




Cambrure
Léchée de feu
L'Inadmissible
Frémit
Recueil savant
Nous précédant.

Drapons de Silences
Foi et Bannière
Et de Sang
Les humeurs.

Les petits fantômes - Thomas Vinau




Nous mangerons vos rêves au petit déjeuner
Nous jouerons avec le feu et le jour va brûler
Nous rirons Nous crierons Nous pisserons sur vos pieds
Nous embrasserons les arbres Nous embrasserons les chiens
Nous lècherons le sang qui coule de nos plaies
Nous boirons vos secrets Nous salirons nos ongles
Nous ferons de vos mensonges des chaussettes trouées
Nous n'aurons plus peur de vos peurs
Nous pleurerons parfois pour abreuver les pies les rats les chauves-souris
Nous hurlerons parfois et nos cris seront des cordes
Pour grimper tout en haut du monde
Nous donnerons nos dents aux grenouilles
Et nos poils aux étoiles
Nous donnerons ce que nous n'avons pas
Nous ridiculiserons l'hiver
Nous lâcherons le guidon
 Nous sauterons les yeux ouverts
Nous serons des fusées
Des pointes de flèches
Des colibris sur une comète
Des gouttes de lait
Des rires de mouettes
Nous serons
Les petits fantômes
De vos défaites

http://etc-iste.blogspot.fr/2012/09/les-petits-fantomes.html

les gens sont bêtes - Antonin Artaud






Lettre du 17 septembre 1945

Les gens sont bêtes. La littérature vidée. Il n’y a plus rien ni personne, l’âme est insane, il n’y a plus d’amour, plus même de haine, tous les corps sont repus, les consciences résignées. Il n’y a même plus l’inquiétude qui a passé dans le vide des os, il n’y a plus qu’une immense satisfaction d’inertes, de boeufs d’âme, de serfs de l’imbécilité qui les opprime et avec laquelle ils ne cessent nuit et jour de copuler, de serfs aussi plats que cette lettre où j’essaie de manifester mon exaspération contre une vie menée par une bande d’insipides qui ont voulu à tous imposer leur haine de la poésie, leur amour de l’ineptie bourgeoise dans un monde intégralement embourgeoisé, avec tous les ronronnements verbaux des soviets, de l’anarchie, du communisme, du socialisme, du radicalisme, des républiques, des monarchies, des églises, des rites, des rationnements, des contingentements, du marché noir, de la résistance.

Au feu - Erwan Coutant


 

Je serai le premier à partir au feu
Sans anesthésie
Le premier à tomber sous la mitraille
Le premier à prendre feu
Je serai le premier à m’embraser.
Je serai le premier à partir au feu
Toi tu m’attires
Dans le brasier
Je serai le premier à crier au feu
Le premier à presser l’extincteur.
Je serai le premier à partir au feu
Tel Phénix
Je serai le premier enfumé
Quand j’en aurai fini de cracher sur les cendres
Tu verras Prométhée à mon chevet.

Ce cri - Catherine Ferrière Marzio

I Scream, You Scream, We All Scream for Icecream - Jim Jarmush

 Ce cri... ?
Non, s'écrit.
Bruni au soleil
De l'étang noir
Se crie
A portée,
Contre venant
A sa perpétuité
Fomente et lève
L'Inscrit.

Une histoire de dinosaure - Guillaume Siaudeau




Tu te lèves. Ma carcasse grince un peu au fond du lit. Il faudrait plusieurs hommes avec des cordes pour me tirer de là. Ou bien simplement quelques paroles qui sonneraient juste. Il arrive que la force m'abandonne. Qu'elle me laisse pour mort au fond des draps, quelques rêves transpercés me dégoulinant des yeux. Il m'arrive de me vider de mes rêves jusqu'à la dernière goutte. Parfois le vent ou la pluie parviennent à me tirer de mon trou. Ils frappent un peu contre les volets pour m'inviter à prendre un verre à la fenêtre, puis finalement me jettent sur le canapé. Ce matin encore tu te lèves, et je ressemble à un dinosaure que la nuit a changé en fossile. Puis je t'entends sortir et tes pas dans la cage d'escalier sont ceux d'un archéologue qui part fouiller le monde. Je me rassure. Je me dis que si tu rentres bredouille à midi, il y aura toujours cette carcasse de dinosaure fossilisée qui t'attend sur le canapé du salon.

Si l’autre était dans mes idées - Charles Pennequin





Si l’autre était dans mes idées, s’il était vraiment dedans, dans moi et mes idées, si mes idées étaient de lui, si l’autre avait mis ses idées en moi, ou qu’il était moi, c’est-à-dire qu’il était avant moi dans mes idées, s’il était mes idées à lui seul, si l’autre avait tout fait pour que je sois ses idées, si l’autre voulait se donner en me donnant ses idées, si l’autre était mes idées et que ç...a me fasse, que je me fasse à l’idée d’être lui pour la vie, pour la vie je suis son idée, si l’autre avait des idées et que c’était moi concrètement, quand il me voit il voit ses idées, ou quand je le vois lui, je vois mes idées siennes, si nous étions tous les deux dans la même idée, si cette idée nous importait plus que le reste, que tout pouvait appartenir à la même idée, qu’il y ait une idée sans aucun bord, que nous soyons tous les deux pris dans la même idée tout le temps, que nous pataugions dedans, si l’autre avait décidé d’un commun accord avec moi de se faire à cette idée, cette idée qui est tout ce qui nous importe, tout ce qui m’importe c’est d’avoir la même idée que toi, que toi tu sois mon idée, qu’on ait la même idée qui pousse indépendamment dans chacun des cerveaux, qu’on ait deux cerveaux mais que dans le tiens il y a la même idée que dans le mien, et que le mien semble regardé par ton idée et que mon idée regarde au dessus de toi, mon idée lorgne dans ton cerveau comme dans un livre, qu’on ait le même livre, c’est-à-dire qu’on soit à suivre la même idée à chacune des lignes, mais que cette idée ne pourrisse jamais, qu’il n’y ait pas d’idée pourrie en nos cerveaux, qu’on reste avec l’idée qu’on a la même idée, mais que cette idée change continuellement, qu’on soit surpris par l’idée de l’autre, alors que l’autre a eu la même idée, il l’a juste eu avant, ou alors il l’a pensée juste après, mais au final on a eu la même idée, au final les idées se rejoignent, au final on a fait rentrer l’autre idée en nous et au final on est rentré dans l’autre avec une idée précise, et c’est à cette idée là qu’on tient, car on ne tient pas à l’autre comme ça, il nous faut une idée particulière, il faut tenir à l’autre par l’idée qu’il a fourré en nous son idée qu’on croit être la nôtre et avec laquelle on va tenir, et on tiendra avec ça comme on pourra, jusqu’à laisser tomber cette idée, jusqu’à l’oublier, on a oublié pourquoi on tenait tant que ça à l’autre, tant que ça à son idée, on n’y tenait pas, on se disait simplement s’il y avait un autre, s’il y avait un autre auquel tenir vraiment, il faudrait simplement qu’il devance nos idées, ou qu’on ait la même idée, qu’on soit dans la même traverse, le même sillon, qu’on creuse sans se demander ce que pense l’autre, l’autre pense ce qu’il veut après tout, il est comme il est, après tout, on peut pas avoir totalement ses idées, il peut pas avoir les nôtres totalement non plus, il fait ses idées comme il veut, et après on fait les nôtres comme on veut, on fait son lit comme on se couche comme on dit, chacun chez soi, avec ses idées bien à lui, on fait chacun sa vie après tout, on a chacun nos idées et c’est pas plus mal, sinon après on se les refile, on se refile tout un stock d’idées, comme un tas d’invendus, on se refile toutes les idées qu’on veut plus, c’est ça qu’on fait le plus souvent, on se les fourre dans l’autre, on n’arrête pas de se les refiler, on lui refile ainsi toute sorte d’idées, comme si c’était des maladies

Au centre du ventre - Catherine Ferrière Marzio







Au centre
Du ventre
Nomme homme
Nomme homme
Nomme Homme !
Adresse le courbe
A la gloire du Dedans !
Abrite l'embrun
A la vertu du mot !