Si l’autre était dans mes idées - Charles Pennequin





Si l’autre était dans mes idées, s’il était vraiment dedans, dans moi et mes idées, si mes idées étaient de lui, si l’autre avait mis ses idées en moi, ou qu’il était moi, c’est-à-dire qu’il était avant moi dans mes idées, s’il était mes idées à lui seul, si l’autre avait tout fait pour que je sois ses idées, si l’autre voulait se donner en me donnant ses idées, si l’autre était mes idées et que ç...a me fasse, que je me fasse à l’idée d’être lui pour la vie, pour la vie je suis son idée, si l’autre avait des idées et que c’était moi concrètement, quand il me voit il voit ses idées, ou quand je le vois lui, je vois mes idées siennes, si nous étions tous les deux dans la même idée, si cette idée nous importait plus que le reste, que tout pouvait appartenir à la même idée, qu’il y ait une idée sans aucun bord, que nous soyons tous les deux pris dans la même idée tout le temps, que nous pataugions dedans, si l’autre avait décidé d’un commun accord avec moi de se faire à cette idée, cette idée qui est tout ce qui nous importe, tout ce qui m’importe c’est d’avoir la même idée que toi, que toi tu sois mon idée, qu’on ait la même idée qui pousse indépendamment dans chacun des cerveaux, qu’on ait deux cerveaux mais que dans le tiens il y a la même idée que dans le mien, et que le mien semble regardé par ton idée et que mon idée regarde au dessus de toi, mon idée lorgne dans ton cerveau comme dans un livre, qu’on ait le même livre, c’est-à-dire qu’on soit à suivre la même idée à chacune des lignes, mais que cette idée ne pourrisse jamais, qu’il n’y ait pas d’idée pourrie en nos cerveaux, qu’on reste avec l’idée qu’on a la même idée, mais que cette idée change continuellement, qu’on soit surpris par l’idée de l’autre, alors que l’autre a eu la même idée, il l’a juste eu avant, ou alors il l’a pensée juste après, mais au final on a eu la même idée, au final les idées se rejoignent, au final on a fait rentrer l’autre idée en nous et au final on est rentré dans l’autre avec une idée précise, et c’est à cette idée là qu’on tient, car on ne tient pas à l’autre comme ça, il nous faut une idée particulière, il faut tenir à l’autre par l’idée qu’il a fourré en nous son idée qu’on croit être la nôtre et avec laquelle on va tenir, et on tiendra avec ça comme on pourra, jusqu’à laisser tomber cette idée, jusqu’à l’oublier, on a oublié pourquoi on tenait tant que ça à l’autre, tant que ça à son idée, on n’y tenait pas, on se disait simplement s’il y avait un autre, s’il y avait un autre auquel tenir vraiment, il faudrait simplement qu’il devance nos idées, ou qu’on ait la même idée, qu’on soit dans la même traverse, le même sillon, qu’on creuse sans se demander ce que pense l’autre, l’autre pense ce qu’il veut après tout, il est comme il est, après tout, on peut pas avoir totalement ses idées, il peut pas avoir les nôtres totalement non plus, il fait ses idées comme il veut, et après on fait les nôtres comme on veut, on fait son lit comme on se couche comme on dit, chacun chez soi, avec ses idées bien à lui, on fait chacun sa vie après tout, on a chacun nos idées et c’est pas plus mal, sinon après on se les refile, on se refile tout un stock d’idées, comme un tas d’invendus, on se refile toutes les idées qu’on veut plus, c’est ça qu’on fait le plus souvent, on se les fourre dans l’autre, on n’arrête pas de se les refiler, on lui refile ainsi toute sorte d’idées, comme si c’était des maladies

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