La Zilefrina - Charlie Galibert


Ce matin-là Good fut réveillé par la Zilefrina qui, malgré la consonance du mot, n'est ni une héroïne fellinienne ni une entraîneuse zuni, mais un vent coulis glacial (que les Mex et les Coyoteros appellent lou Chourêdou) qui, né dans les neiges des montagnes du Nord, se glisse partout, entre les collines, les prairies, les forêts, les clairières, les arbres, les feux de camps, les vêtements, les poils, la peau, les os, et retour par le chemin inverse après s'être attardé dans les os – et qui correspond à la mise en route de la clim' divine par l'épouse du dieu local contre l'avis de son mari (ils ne sont jamais d'accord pour savoir s'il faut ou non mettre une couette, passent leurs nuits à se tirer la couverture, jusqu'à faire chambre à part quand ils ne s'entendent vraiment plus sur rien – et c'est là que l'épouse branche la Zilefrina).
Il fut simultanément réveillé par Doggy Dog, les quatre pattes plantées sur son estomac, réclamant un petit-déjeuner chaud, car lui aussi se les caillait – la Zilefrina était entrain de s'immiscer entre les poils de ses belles franges dorées et ses os viellissants. Exaspéré que son maître ne réagisse point, il se mit à hurler à la mort.
Je ne suis pas mort, imbécile heureux ! fit Good en bondissant sur ses pieds, culbutant Mittwoch cul par-dessus tête.
C'était bien parti, ce matin, ça soufflait bien le froid et le chaud.
La Zilefrina avait un bon côté : au vu de ses vertus de séchage accéléré, elle était l'alliée précieuse de toutes les lavandières du Nord-Est du Mexique, s'arrangeant d'ailleurs tout exprès pour souffler le lundi matin, comme chacun sait jour universel de lessive jusqu'en ces minuscules parages circonvoisins.
Good fit donc sa petite lessive puis il fit sécher ses chaussettes sur une souche sèche pour chasser sans son chien.

Charlie Galibert – L'Autre
Anacharsis - 2008





Aucun commentaire :

Enregistrer un commentaire