Intimité - Samuel Beckett





Si l'on voulait qu'il fût réussi ou tout simplement même qu'il eût lieu, le déjeuner était une entreprise extrêmement minutieuse. Pour que son déjeuner fût agréable, et il arrivait qu'il fût infiniment agréable en vérité, il fallait qu'on lui laissât une paix royale tandis qu'il le préparait. Mais s'il était dérangé maintenant, si quelque jaseur disert déboulait à présent, porteur d'une pétition ou d'une idée géniale, alors autant ne pas manger du tout, car la nourriture n'aurait à son palais qu'un goût d'amertume ou, pis encore, pas le moindre goût. Il lui fallait être strictement seul, il lui fallait un calme et une intimité absolus, pour préparer la nourriture qui constituerait son déjeuner.
La première chose à faire était de verrouiller la porte à double tour.

In Dante et le homard - Samuel Beckett – Bande et sarabande –
Traduction Edith Fournier – p. 23 – Les éditions de Minuit - 1994

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