Scènes de la vie d'un faune - Arno Schmidt




















Haut comme une tour,
Le vent, le géant Vent
dévalait au galop la laie :
Les pieds de verre, lourds et laids, labouraient l'herbe à longues foulées
Cheveux épars, sifflant, fendant la couronne des pins,
Il se ruait sur moi, tonnant, large et têtu :
!!! -
( Puis, il m'eut dépassé,
et je le vis, dans les cohortes déployées de ses compagnons d'air,
s'abattre sur les champs. Enfin,
la dure orée de la forêt les engloutit de son bleu froid.)
La contrée fourmillait de ces géants de verre ;
ça bougeait de partout ;
ça rampait dans les lourdes frondaisons rouillées ;
giflait à toute volée les chênes replets ;
valsait dans la poussière qui volait.
Ils fourrageaient dans les sous-bois ( et, là-haut, folâtraient dans les literies du ciel ).
L'un d'eux, caché dans un sorbier, me bombarda
de rouges baies : c'était une femelle.
En un éclair, j'imaginai
des biceps transparents, des rondeurs, et tignasse diaphane,
mille félicités de cellophane.
Elle, sans crier gare, m'arrosa d'un jet gris et dru :
je me couvris la tête
et fermélézieu.
( Captif de tant de titanesque et cristalline nudité ;
sous Ton athlétique et vitreuse garde ; d'immenses sylphes -
- et je me dressai d'un bond :
les sylphes, c'était donc ça ? - Tiens, tiens !
: On en apprend tous les jours ! )

( par 35.40205 de latitude droite et 58.65535 d'altitude sud -
couché à l'orée du bois. Pour Alfred Andersch ).


Arno Schmidt in Scèmes de la vie d'un faune - Traduction Jean-Claude Hémery & Martine Vallette - Christian Bourgois éditeur - 1991 

Aucun commentaire :

Enregistrer un commentaire