La gorge, le poisson - Laura Vazquez




Nicolas Boudin









Quand tu t’endors je te parle, je te parle, je te dis des serments, je te parle, je te dis c’est la guerre, je te dis les serments, je te fais la musique - à l’oreille - je te fais les serments, quand je parle - je parle - quand tu t’endors je parle, quand tu t’endors - quand je ne suis pas là - quand je ne suis pas là je parle, quand je parle - je te parle - et je ne suis pas là, quand je ne suis pas là je te parle - tiens écoute - tiens écoute je dis, je te dis tiens écoute, je te dis l’aventure, l’aventure c’est quelqu’un dans l’oreille, c’est quelqu’un dans l’oreille, c’est la dent sur l’oreille, 






je vais me taire, la pluie est belle, les jours sont pleins, il y a des guêpes, des grillons, il y a la nuit, des chenilles.





Il faut beaucoup de jours. beaucoup. il faut beaucoup de jours aujourd’hui. il faut le premier jour. il faut les premiers jours. il faut beaucoup de temps. il faut beaucoup de jours pour te mettre à écrire.
pour te mettre à écrire il faut beaucoup de jours, et les jours, et les tables, et les yeux et les arbres. il faut beaucoup les arbres. il faut beaucoup de jours. il faut voir le jardin. regarde le jardin. il faut voir les jardins. regarder la fenêtre. il faut de très longs jours.
il faut beaucoup d’années. il faut beaucoup de lignes. il faut beaucoup de lignes sur le cou, sur la race. sous les yeux il faut beaucoup de traits. pour te mettre à écrire. il faut beaucoup de ronces. les ronces dans le cou. il faut beaucoup d’années. il faut beaucoup tomber. il faut beaucoup de vase.
de la boue, de l’ordure, de l’essence et de l’huile, du gâchis, de la vase,
beaucoup de maladies
beaucoup de mains malades
beaucoup de dos griffé
beaucoup de pieds coupés





c’est







ce que je sais de la musique, je sais de la musique, ce que je sais de la musique, et je l’ai écoutée je sais de la musique et me dis la musique et je l’ai écoutée, écoute la musique, je sais de la musique et je l’ai écoutée jusqu’à ce que la mort
et je l’ai écoutée et j’ai senti le noir, jusqu’à ce que la mort, me dit de la musique et je sais la musique parce qu’elle est dans mon os,
je sais que la musique est venue l’autre jour,
je sais de la musique, je sais que la musique est partout l’autre jour, quand je l’ai écoutée, je l’écoute toujours, je l’écoute toujours, tu sais de la musique, tu l’écoutes toujours, elle l’écoute toujours
la musique et mes nerfs, je sais de la musique, je sais que la musique, la musique est facile, je sais que la musique n’a pas le sentiment, je sais que la musique est venue tout d’un coup, je sais que la musique est tout le sentiment, je sais de la musique qui arrive vers moi, je sais que la musique n’est pas dans la sueur, elle n’est pas dans ma larve, ni dans la main de droite, ni dans la main de gauche, ni dans l’œil que je sens, ni dans les gravillons, ni dans ma main de droite, ni dans ce que je dis, mais dans ce qui me vient, de tout ce qui me vient, dans tout ce qui me vient, je vois de la musique, je sais de la musique qui arrive de moi
et je l’ai écoutée



je suis prête à écrire.






Alors 
Approche une vielle femme, avec ses ongles larges,
elle est de la campagne
Elle se cache la tête avec les bras qui disent :


ni les vaches, ni les herbes, ni les femmes, ni le bois, ni le cuir, ni les branches, ni le cuir, ni  la torche, ni la petite aiguille, ni le cuir, elle redit ni le cuir





ce que je ne sais pas
je sais de la musique
et je ne le sais pas
Dans les poings, dans les angles, il y a des parties que je ne vois pas, c’est pourquoi je vais parler de la vie
dans la gorge et les lions, il y a des moments que  je ne vois pas, c’est pourquoi je dois parler des choses qui vivent
c’est pourquoi des choses vivent, c’est pourquoi je dois parler, c’est pourquoi celui qui parle a parlé, c’est pourquoi les chats bougent, c’est pourquoi les vieux morts, c’est pourquoi monte l’âne, c’est pourquoi les poils noirs



c’est pourquoi le fil tranche
c’est pourquoi je le dis,
c’est pourquoi gorges noires  


viennent les animaux qui font la gorge noire,
la gorge noire,
dis gorge noire, dis toute la partie que tu ne vois pas,
dis gorge noire



tu es couché sur des branches de terre, elles vont se casser sous ton dos, sous ton dos noir, dos noir, dos noir mon très petit, tu as laissé des branches, des branches noires, sur le couloir très noir, sur le couloir très noir les branches sont très noires
dis dos noir mon malade




Viens le gros monstre clair, il a la belle voix, il a la voix falaise, falaises noires, noires, de la montagne noire, viens le grand monstre noir,





Tu portes le poisson, il porte le poisson dans son ventre, il porte le poisson, le poisson est sorti de son ventre, le poisson est rentré dans la bouche du ventre, le poisson à la peau de poisson, est sorti de son ventre, le poisson dans son ventre, le poisson avale le poisson et le poisson connaît le poisson, le poisson est dans la mare, la mare est dans le ventre du poisson, le poisson va vers la tête et la tête va toujours au poisson, le poisson dit qu’écrire n’existe pas, le poisson a dit qu’écrire n’existait pas, le poisson a pourri vers la tête, la tête du poisson est pourrie et elle grouille, le poisson est pressé, il est pressé de mourir, le poisson est pressé, il va vers la grand mare, il va vers les œufs durs, le poisson vers la tête, vers le haut, dans les branches, le poisson dit écrire, le poisson dit écrire n'existe pas






 

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