de blêmes faces de cauchemar - Arno Schmidt





Deux versions

Traduction de Claude Riehl :
Ma vie ? ! : Ma vie n'est pas un continuum ! (il n'est pas que le jour et la nuit pour la diviser en fragments alternativement blancs et noirs ! Car le jour aussi m'accompagne cet autre qui va à la gare, est assis derrière un bureau, bouquine, traîne dans les bois, copule, bavarde, écrit, pense à mille petits riens. Cet éventail qui se disloque. Qui court, fume, défèque, radiophone et télespecte, dit " Monsieur le sous-préfet " : That's me !) : Une succession d'instantanés scintillants, en vrac.
Non, pas un continuum, certainement pas un continuum ! : Ainsi court ma vie, ainsi mes souvenirs (comme qui, pantelant, voit approcher la tempête nocturne) :
Un éclair : une bicoque désolée qui grimace au milieu de taillis vert-de-gris. Puis : la nuit.
Un éclair : de blêmes faces de cauchemar, roulant des yeux vides, des langues, battants de cloches, à toute volée, des doigts qui se font dents : Nuit.
Un éclair : des arbres font la haie; des cerceaux jouent avec des gosses; des femmes s'accroupissent; des fillettes polissonnent blouse au vent : Nuit !
Un éclair : moi : Hélas : Nuit !
Ma vie : La ressentir comme un ruban qui, majestueusement, se déroule, voilà précisément ce dont je ne suis pas capable. Pas moi ! (Dire pourquoi.)

Arno Schmidt - Scènes de la Vie d'un Faune
Traduction Claude Riehl
Christian Bourgeois Editeur - 1991



Traduction Nicole Taubes :




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