Je dissonne - Caroline Sagot Duvauroux


Lithographies de Caroline Sagot Duvauroux : Vielleicht, peut-être, 1999.


Je dissone. Vous ignorez qu’outre mesure un chant
bat.

Je me délivre de l’étreinte nauséeuse du logos.
Le rouge est ma couleur, celle du règne animal, celle
de la vie par dévoration et par abomination. Je
tranche ma gorge sans revendiquer l’oiseau car
empoisonnée je le fus dès ma naissance par naître.
Que la langue des poètes protège encore un temps le
rouge-gorge. Je suis le clou dans l’être. Je suis
immunisée contre les sirènes, l’intelligence et autres
poisons. Rendez-moi la lune.
Je suis crapaud.


                                              piurie de bouche ils ont pensé


Je suis le lieu sauvage où la femme a fui l’apocalypse.
Le dragon vomit le fleuve mais je m’ouvre et
l’engloutit. Alors le dragon s’attaque à sa
descendance et c’est vous.


             lui ont enfoncé le diable par les narines et l’anus


Je vous ai empêché d’inventer une idée de
vous-mêmes qui permette d’être paisible et heureux.
Vous êtes tourmentés et malheureux ? Vous
vous êtes laissé chasser par intérêt de la libre
puissance, comment pourriez-vous désirer un roi
qui soit plus qu’un objet ridicule et pathétique ?
Vous vous êtes retournés contre l’attrait héroïque
de la bonté avec venin. Vous guignez le pouvoir
de la médiocrité insensible et brutale. Baisez les
mains des vilains que vous consacrez.


C’est moi, médiocre, infernale, que vous possédez.
Une esclave !


            faut que ça sorte ils ont pensé du cul du vieil an
                                                                    comme pet d’agonie


L’Herbe écrit in Le Vent chaule, José Corti, 2009, pp. 159-160.

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