Murmure de mort - Jeannette Armstrong / Ana Álvarez-Errecalde








Je marchai hier
dans Thunderbird Park.

Cette nuit
j'enlève mon masque,
de mes doigts ensanglantés,
je me vois
marcher
devant les vitrines décorées de totem criards,
descendre des avenues sonores.

Il n'y a pas d'Indien ici.
Aucun
même dans le musée à un million de dollars
qui conserve si délicatement
leurs vêtements, leurs ustensiles de cuisine,
leur nourriture
pour ceux qui
venant de partout
paient leur billet
et y emmènent leurs enfants.

Il y a quelques Indiens
rôdant autour de l'hôtel Kings
et ils sont morts,
confits dans l'alcool.
Il aurait été plus clair
de nous tuer tous d'un coup.
Tous les clans et les tribus
auraient pu être habillés et empaillés.
Il aurait été plus simple d'ajouter
un cinquième étage au musée
pour les exposer.
Mieux encore :
de les empiler comme du bois de chauffage
dans nos longues maisons
où nous serions au moins chez nous
et ça serait d'un bon rapport.

Je marche lentement et me souviens
je chancelle sous
le poids de l'âpre fardeau enfoui
que je porte
et du masque ingénieux que je me suis fabriquée,
avec les ossements et la peau
de ma tribu disparue
en le plongeant dans le sang frais
de mes frères et sœurs
puisé sur les anciens champs de bataille
près des hôtels.


Jeannette Armstrong in Anthologie de la poésie amérindienne 
Traduction Manuel Van Thienen 
Bacchanales n° 42
Revue de la Maison de la Poésie Rhône-Alpes
Le Temps des Cerises

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