Un festin de baies - Gary Snyder





1



Fourrure couleur de boue, vieille crapule

Au pas régulier, vagabond,

Gloire au Sale Coyote, gros

Chiot branleur, affreux joueur,

Généreux en friandises.



Dans la merde d'ours trouve-le en août,

Tas régulier sur le sentier parfumé, fin

Août, peut-être près d'un Mélèze

L'ours a mangé les baies.

Pré d'altitude, fin d'été, plus de neige

Ours noir

mangeant des baies, marié

À une femme aux seins sanguinolents

À force d'allaiter des oursons mi-humains.



Et bien sûr il y a toujours des gens

pour encaisser et marchander,

baragouinant toute la journée.



« Où je décoche mes flèches

« S'étend l'ombre du tournesol

- chanson du serpent à sonnettes

lové contre l'arête du rocher

« K'ak, k'ak, k'ak !

Chanta le Coyote. S'accouplant avec

l'humanité -



La tronçonneuse découpe des planches de pin,

Des chambres à coucher de banlieue, innombrables,

Vacilleront sous ce grain et ces nœuds,

Les formes hallucinantes s'évanouiront peu à peu

Chaque matin au réveil des banlieusards -

Planches assemblées bord à bord sur la charpente

une boîte pour enfermer les bipèdes.



et l'ombre pivote autour de l'arbre

Atteint le buisson de baies

de feuille en feuille, chaque jour

L'ombre pivote autour de l'arbre.





2

Trois, en bas, par les fenêtres

Chats de l'aube bondissant, tous rayés de brun,

Moustaches gris feu

morceaux de souris sur la langue



Laver la cafetière à la rivière

le bébé réclame son petit déjeuner

Ses seins, aréoles noires, veines bleues, lourds,

Pendant sous la chemise flottante

pressés de la main libre

jet blanc dans trois tasses.

Chats de l'aube

tout tout en bas



Les ruisseaux sont clairs, où se cachent les truites

Nous chiquons du tabac noir

Dormons sur des aiguilles pendant de longs après-midi

« vous serez hibou

« vous serez moineau

« vous deviendrez grosses et vertes,

« on vous mangera baies !

Coyote : abattu de la voiture, deux oreilles,

Une queue, une prime.

Martèlement de pas

bœufs de Shang

arpentant la route



Cloches de bronze sur le cou

Boules de bronze sur les cornes, les Bœufs luisants

Chantant dans la lumière et la poussière

roulent des billes de bois au bas des collines

les entassent,

le bulldozer

Jaune au gros groin, feuilles tombant une à une

Sur son passage, fouille la boue volcanique dorée.



Quand

La neige fond et quitte

les arbres

Branches nues brindilles de pin noueuses

soleil brûlant sur les fleurs humides

Pousses vertes d'airelle

Pointant à travers la neige.



3

Bosse enflée du ventre

Poitrine gonflée en buvant goulûment de la bière :

Qui désire

le nirvana ?

Voici de l'eau, du vin de la bière

Assez de livres pour une semaine

Lambeaux de placenta,

Une odeur de terre brûlante, une brume

chaude

Fume hors de la fourche



« Vous ne pouvez pas être des tueurs toute votre vie

« Les peuples arrivent -

- et quand Margot la Pie

L'a ranimé, loque de fourrure flasque, noyé et

Dérivant au fil de l'eau, nourriture pour les poissons des

hauts-fonds

« Va te faire foutre ! » chanta le Coyote

et il disparut.



D'un tendre bleu-noir, plus douces dans les prairies,

Petites et acides dans les vallées, couvertes de poussière

bleu ciel,

Les airelles peuplent les pinèdes,

Abondent dans les ravins, escaladent les falaises poussiéreuses,

Se propagent dans l'espace grâce aux oiseaux ;

Les découvrir dans les crottes d'ours.



« Arrêt nocturne

« Manger des crêpes chaudes dans une salle claire

« Boire du café, lire le journal

« Dans une ville étrange, j'ai repris la route,

chantant, - embardée d'un conducteur ivre -

« Sortez de vos rêves, chères mesdames !

« Serrez les jambes, repoussez les démons

loin de vos fourches, serrez les cuisses

« Des jeunes gens aux yeux rouges viendront

« Avec de molles érections, cris et reniflements

« Pour sécher au soleil vos corps raidis !



Réveil sur la plage. Aube grise,

Trempée de pluie. Un homme nu

Cuit sa viande sur une pierre.





4



Coyote jappe, une lame !

Lever du soleil sur les rocs jaunes.

Plus personne, la mort n'est rien,

Soleil clair dans le ciel lavé

vide et lumineux

Des lézards glissent hors de l'ombre

Nous lézards nous chauffons au soleil sur les rocs jaunes.

Voir, des basses collines,

Le ruban étincelant de la rivière, paressant

Vers la plaine, la ville :

brume éblouissante à l'horizon de la vallée

Éclat du soleil sur une vitre, un instant.

Près des sources froides sous des cèdres

Assis, gueule blanche,

longue langue haletante, il observe :



Ville morte dans l'été sec,

Où poussent les baies.







Gary Snyder - Un festin de baies in aristocrates sauvages

Traduction Brice Matthieussent

Collection « tête nue » - Wildproject éditions - 2011



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